« Qui ici se considère ambitieuse? »
Une série de mains — certaines timides, d’autres moins — se lèvent. « Pas qui a des ambitions, mais bien qui est prête à s’accoler le terme d’ambitieuse? »
C’est la question Jannick Bouthillette, fondatrice de Profession’ELLE, lance au public pour présenter la conférencière invitée, Mélanie Thivierge. En effet, après une carrière fructueuse dans le monde des médias, notamment à titre de rédactrice en chef de Coup de Pouce, directrice éditoriale de Châtelaine et directrice principale de l’information pour La Presse, la jeune quadragénaire vient d’être nommée présidente et directrice générale du Y des Femmes. Forte de cet impressionnant parcours, elle s’est portée volontaire pour discuter d’un sujet encore trop peu abordé : l’ambition au féminin.
Son objectif? Nous montrer qu’il y a tout autant de modèles d’ambition qu’il y a de femmes. « Nous ne sommes pas tous des Isabelle Hudon… et c’est très bien ainsi! » énonce-t-elle. Ça tombe bien, car illustrer la diversité des expériences dans notre cheminement vers le succès, c’est aussi la mission d’Aime Ta Marque. Voici donc les leçons partagées par cette femme aussi terre-à-terre qu’elle est inspirante.
L’apologie de l’ambition

L’ambition au féminin n’a pas à prendre le visage de Miranda dans The Devil Wears Prada
Avant de débuter, Mélanie tient à remettre les pendules à l’heure. Le terme « ambitieuse » est porteur de nombreux préjugés. Longtemps réservé aux hommes, ce mot qui transpire force et vision prend des allures calculatrices et froides lorsqu’il est mis au féminin. « Pourtant, l’ambition a quelque chose de constructif. Elle est au service de la communauté, explique Mélanie. Il n’est pas seulement question de la fille qui joue du coude pour obtenir ce qu’elle veut, peu importe les conséquences. »
L’image de Miranda dans The Devil Wears Prada n’a pas à prendre préséance sur la multitude d’exemples de femmes ambitieuses qui désirent réellement changer les choses. Et qui le fond avec conscience et éthique. « J’entends souvent des femmes dire qu’elles sont ambitieuses, mais… Ce « mais », c’est cette voix intérieure qui nous freine, qui nous ralentit, » observe-t-elle. Il est temps que nous assumions nos rêves et que nous prenions le chemin qui se fraie devant nous!
Ode au chaos
Pour ce faire, il est nécessaire de se défaire de certaines pensées limitantes. Il est notamment question de ces idées qui perpétuent bien souvent des croyances irréalistes sur le succès chez les femmes. Dans cette catégorie, nommons la fameuse conciliation travail-famille.
Le secret de polichinelle commence finalement à sortir. La conciliation travail-famille comme on nous la présente est un mythe. C’est un constat que Mélanie a tôt fait d’accepter. Celle qui est devenue gestionnaire à 29 ans, alors qu’elle était en congé de maternité de son deuxième enfant, nous avertit de la dangereuse idée que l’on peut toujours mieux planifier, mieux structurer, mieux organiser. « C’est un passeport pour l’angoisse. Et c’est la meilleure façon de se sentir inadéquate. »
La solution, selon elle, n’est pas de mieux concilier, mais plutôt de « gérer le déséquilibre… dans la joie. » Posez-vous la question. Est-ce que dans l’ensemble, vous réussissez à créer un équilibre qui vous satisfait? On ne parle pas ici de tous les jours, ni même de toutes les semaines! Juste dans votre vie en général.
Cependant, malgré les choix qui s’imposent, peu parlent du grand avantage qui vient avec l’accession aux postes supérieurs : la flexibilité. En effet, monter en grade ne veut pas dire plus de travail, mais bien davantage de responsabilité. C’est notamment ce que Mélanie a vécu lorsqu’elle est devenue rédactrice en chef de Coup de Pouce. Pour l’accommoder durant la maternité, l’équipe accepte de faire certaines réunions éditoriales dans son salon, entre deux allaitements.« Plus tu montes les échelons, plus ce sont les résultats qui comptent. Pas de savoir si tu es rentrée à 8 heures ou à 10 ce matin-là. »
« Tu vas te rendre aussi loin que ton réseau te le permet »
On en a parlé par le passé, mais on ne pourrait mettre davantage l’accent sur l’importance de bâtir son réseau. Et on parle ici de réseau professionnel et personnel. « Le réseau, c’est aussi la famille, les amis. Ceux qui sont prêts à chercher ton fils à l’école un soir, par exemple. Parce qu’un leader, ça ne se construit jamais seul! »
Mais attention, cela prend du temps. Ce n’est que dans la constance et l’intérêt renouvelé pour les autres qu’il est possible de créer et de maintenir des relations authentiques. La confiance s’installe et il est alors plus facile d’en tirer avantage. « C’est un cercle vertueux : savoir demander, oser recevoir et être capable d’offrir en retour. »
Enfin, Mélanie rappelle que développer son réseau ne passe pas uniquement par les cocktails de réseautage. C’est auprès des gens qui vous côtoient dans le quotidien, des gens qui vous inspirent et de ceux envers qui vous démontrez de l’intérêt. Il existe de nombreuses façons de s’entourer des bonnes personnes. « Et c’est important de le faire! Car tu vas te rendre aussi loin que ton réseau te le permet. »
Trois comportements à bannir…
En tant que femmes, nous adoptons certains comportements qui nous nuisent professionnellement. Mélanie en nomme trois :
- La culpabilité. « C’est le pire piège, celui qui nous fait douter, qui nous fait hésiter à dire oui ». On se sent coupable de rester tard au bureau, de manquer l’onboarding de la nouvelle recrue, de faire quelques heures de travail le week-end. La solution? Prioriser, compartimenter et focaliser… Allez-y un projet à la fois et donnez-lui toute votre attention.
- Le perfectionnisme. On le connaît, celui-là. « On apprend aux jeunes filles depuis leur plus jeune âge qu’elles doivent être des petites filles modèles. » Afin de se débarrasser du syndrome de la bonne élève, rappelez-vous que l’attention au détail doit avoir ses limites. « Le perfectionnisme nous déconnecte des réelles priorités, » rappelle la dirigeante.
- La volonté de contrôle. L’un des avantages de la prise de responsabilités au sein d’une équipe est qu’il est désormais possible de déléguer certaines tâches. Et ce n’est pas seulement une option, mais c’est crucial! « On ne peut pas être partout en même temps, d’autant plus qu’on ne veut pas l’être! » explique Mélanie. Elle suggère de bien s’entourer afin de pouvoir déléguer sans remords. De plus, elle partage que diriger l’a forcée à mieux communiquer ses attentes. Ainsi, pas besoin de repasser derrière pour voir si le travail a été bien exécuté.
…et d’autres à adopter
Pour contrer ses mauvais plis, la nouvelle PDG du Y des Femmes liste trois attitudes positives qu’elle conseille d’adopter au plus vite.
- Tout d’abord, choisissez les tâches payantes. Il faut savoir tourner les coins ronds de temps en temps. Et rappelez-vous, le relationnel est toujours plus avantageux dans le long terme.
- Deuxièmement, ne présumez de rien. Vous ne connaissez pas tout le contexte. Ne vous bloquez pas aux possibilités de discuter et de négocier. Dans le doute, mieux vaut se manifester plutôt que de perdre des opportunités par cause de préjugés ou d’un manque d’information.
- Enfin, devenez votre meilleure amie! Ici, il est majoritairement question de votre discours intérieur. Indulgence et empathie sont vos mots-clés. Et surtout, prenez le temps de célébrer vos réussites. Soyez fières de vous!
Pour rebondir sur ce dernier point, Mélanie somme les femmes de se supporter mutuellement. « Faisons mentir cette vieille croyance que nous sommes en compétition constante entre nous, » dit-elle. Grâce à la générosité de chacune, au partage, nous arriverons à nous faire la courte échelle. Et un jour, nous le briserons ce fameux plafond de verre!
De la réflexion à l’action, il n’y a qu’un pas
Pour terminer, Mélanie Thivierge nous rappelle la plus importante leçon de toutes : « Arrêtez de trop réfléchir! » Tout au long de son parcours professionnel, la constante qui se dessine est qu’elle a su écouter son intuition. C’est notamment pourquoi, après près de quinze ans dans le domaine des médias, elle a fait le saut dans le communautaire. Sans expérience et sans filet. Elle appelle cela avec humour une de ses « bulles au cerveau ».
« Je suis ambitieuse, mais je n’ai pas de plan de carrière, » commente-t-elle après une courte réflexion. « Je suis d’avis que dans la vie, il ne faut pas suranalyser, mais plutôt provoquer le destin. C’est en le faisant que les affaires se placent. »
Et pour toutes celles qui doutent de leur parcours, de leur valeur, la professionnelle aguerrie rappelle que le marché du travail est loin de faire des cadeaux. « Si on t’a nommé là, c’est parce que tu le mérites. » Et ceci est vrai, même si vous n’avez pas le diplôme de votre voisin, ou les années d’expérience de votre prédécesseur.
Osez! Vous serez surprise de ce qui vous attend!
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