Ep. 152 La cuisine comme un reflet de notre rapport au monde avec Sylvie Ramel

« Le smoothie vert ne sauvera pas la planète ». C’est en lisant cette phrase dans une infolettre de Sylvie Ramel que j’ai su que je devais l’inviter sur mon podcast, maintenant.

Sylvie aide les gens à acquérir les fondamentaux de la cuisine vitalité et des plantes sauvages comestibles pour faire de leur cuisine un espace de créativité et de liberté.

Intrigant, n’est-ce pas?

À force d’échanger avec elle, j’ai vu que son approche avait également un lien très étroit avec ma vision de l’entreprise autopoïétique et de la nécessité d’intégrer nos pratiques — culinaires ou entrepreneuriales — dans le collectif et dans le monde.

Dans l’épisode d’aujourd’hui, on discute notamment de :

  • Ce que Sylvie voulait dire en écrivant « Le smoothie vert ne sauvera pas la planète » et comment cette phrase résonne avec son parcours de chercheuse
  • Le concept de cuisine vitalité et comment elle envisage son rapport à la cuisine et à l’alimentation dans une société souvent ultra-culpabilisante autour de la nourriture et de la santé
  • Comment la cuisine, au lieu d’être vue comme une corvée, peut nous permettre de travailler notre présence à soi (avec des exemples concrets de pratiques à adopter) et notre connexion aux autres
  • Comment travailler avec les plantes sauvages même dans un environnement urbain
  • Utiliser la cuisine et l’alimentation comme outil thérapeutique

J’espère qu’après cette entrevue vous ne verrez plus la cuisine simplement comme une corvée de plus dans votre to-do interminable, mais bien comme une nouvelle opportunité de générer des étincelles dans votre rapport au monde.

À écouter également : Ep. 150 Les limites du self-care chez les entrepreneurs et Ep. 151 L’entreprise autopoïétique : ce que le vivant nous apprend sur le succès

À propos de Sylvie RAMEL

Autrefois embarquée dans un parcours universitaire, Sylvie Ramel a embrassé sa nature véritable: celle d’une âme libre, insatiablement curieuse et passionnément engagée.

Imaginez une force vive, une énergie solaire qui irradie et un enthousiasme qui pourrait soulever des montagnes. C’est un peu comme ça que Sylvie se décrit.

Son hyperactivité d’autrefois a trouvé un nouvel élan, une direction: celle de partager, d’éduquer et d’inspirer. À travers ses programmes, elle aspire à offrir bien plus que des connaissances. Elle transmet une essence, un art de vivre, une quête de résonance avec la nature, la santé et la cuisine.

Et pour pimenter le tout? Un soupçon de philosophie, une pincée de poésie et une dose revigorante d’écologie politique. Pour elle, évoquer la nature, la cuisine ou la santé n’est jamais une fin en soi. C’est une invitation à voyager, à découvrir, à se réinventer.

Mentionné dans cet épisode :

Ne manque aucun épisode de L’Ambition au Féminin!
Inscris-toi pour recevoir un rappel par courriel à chaque nouvel épisode.

Transcription de l’épisode 152

Ep. 152 La cuisine comme un reflet de notre rapport au monde avec Sylvie Ramel

[00:00:00.450] – Tatiana St-Louis

Vous écoutez l’Ambition au Féminin, épisode 152 et aujourd’hui je reçois Sylvie Ramel pour parler de comment on peut reconnecter à soi et aux autres à travers un geste aussi simple que la cuisine. Mon nom est Tatiana St-Louis et j’anime L’Ambition au Féminin, un podcast pour toutes les femmes pleines de vision, de talent et de drive qui désirent redéfinir le succès selon leurs termes et leurs conditions. Chaque semaine, j’explore, seule ou en présence d’invités, les thèmes entourant la réussite professionnelle et personnelle. Mindset, productivité, leadership, branding personnel… C’est LE rendez-vous pour réfléchir à la façon dont TU veux vivre ton plein potentiel et laisser ton empreinte dans le monde.

[00:00:54.210] – Tatiana St-Louis

Salut les ambitieuses ! Bienvenue dans un nouvel épisode de L’Ambition au Féminin. Je suis contente de vous retrouver comme d’habitude. Et aujourd’hui, j’ai une entrevue pour vous. Vous savez comment j’aime recevoir des parcours atypiques. J’aime recevoir des personnes avec des idées un peu originales et différentes de ce qu’on entend dans les  podcasts plus mainstream sur l’entrepreneuriat. Parce que je pense que, en tant qu’entrepreneur, surtout en tant que femme, surtout en tant que personne qui aspirons à un genre de leadership conscient, c’est important de célébrer et de mettre de l’avant des idées alternatives de comprendre le monde, des idées alternatives aussi, de faire des affaires. Puis quand j’ai rencontré Sylvie Ramel, dont vous allez entendre les pensées un peu plus tard dans cet épisode, j’ai vraiment tout de suite compris qu’elle avait une mission qui allait bien au-delà de ce que ses offres proposaient, puis qu’il y avait une profondeur et une richesse de réflexion autour de comment elle concevait la place de son entreprise, la mission de son entreprise dans le collectif, dans le monde, dans ce qu’on peut imaginer aussi pour notre futur, dans notre façon d’interagir avec l’environnement, etc.

[00:02:31.980] – Tatiana St-Louis

Donc aujourd’hui, on reçoit Sylvie qui va nous parler de cuisine vitalité, mais je trouve qu’il y a quand même quelque chose d’un peu simpliste quand je le dis comme ça « cuisine vitalité » parce que vous allez voir, elle va expliquer qu’est-ce qu’elle entrevoit par ça, et pis ça va bien au-delà de juste faire des smoothies verts puis acheter bio dans son épicerie du coin. Alors, qui est Sylvie Ramel ? Alors, selon son profil LinkedIn, elle s’identifie, elle met comme descriptif que la cuisine est un reflet de notre approche au monde, et c’est de ça qu’on va parler aujourd’hui, avec un brin de sauvagerie, une touche d’audace, de créativité et de plaisir. Elle est aussi une chroniqueuse RTS et ce qui est intéressant aussi avec le travail de Sylvie, c’est qu’elle propose des accompagnements de groupes aux particuliers qui peuvent aller de quelques jours à plusieurs mois et aussi pour les entreprises où elle propose des ateliers de formation continue et de teambuilding. Et elle va travailler vraiment au niveau de l’intersection entre les produits de saison, les plantes sauvages comestibles, les techniques de base de l’alimentation vivante, la fermentation, le sans gluten, les préparations à base de noix et de graines, micropousse, germinations, etc.

[00:03:56.940] – Tatiana St-Louis

Et elle ajoute à cela une dimension philosophique, une dimension de l’être à travers de l’interaction qu’on fait avec les différents vivants qui permettent de nous nourrir. Donc vraiment, vraiment intéressant comme  approche. Et j’ai presque envie de vous laisser avec l’entrevue. La petite dernière chose que je vais dire, c’est que, quand je l’ai invitée sur le podcast, c’est parce que j’avais lu une de ses infolettres qui m’avait  vraiment bien fait comprendre comment on prend souvent un geste aussi simple que la cuisine pour acquis et le pouvoir que ça a pour nous de se réapproprier ces moments-là. Et je vais vous mettre le lien de l’infolettre dans les notes de l’épisode. Si vous voulez aller la lire, vous pouvez prendre une pause maintenant pour aller la lire ou bien la lire après l’épisode. On va en parler de toute façon. On va référer à cette infolettre-là à plusieurs reprises dans la conversation. Sachez que vous n’avez pas nécessairement besoin de la lire pour comprendre de quoi on va parler, mais c’est sûr que ça peut être un beau support pour la conversation. Alors voilà, je vous souhaite une bonne écoute avec Sylvie Ramel.

[00:05:11.530] – Tatiana St-Louis

Salut Sylvie, comment ça va ? Je suis contente de te recevoir sur l’Ambition au Féminin.

[00:05:20.260] – Sylvie Ramel

Salut ! Moi aussi c’est un grand plaisir d’être là.

[00:05:26.470] – Tatiana St-Louis

Oui et puis tu sais, je te connais depuis quelque temps maintenant, quelques mois, on a évolué côte à côte dans MoneyBrand, donc c’est à travers aussi tes infolettres, ton travail, les discussions qu’on a eues que j’ai eu envie de t’inviter sur le podcast, parce que je pense que tu as une vision très unique de ton expertise, de l’entrepreneuriat, de comment ça s’inscrit dans un mouvement social. Bref, il y a comme beaucoup de choses au niveau de ce que tu fais, que je trouve à la fois original, intriguant et je pense que ça peut nous aider aussi à sortir de nos visions préétablies sur certains actes du quotidien, dont la cuisine notamment. Alors je voulais peut-être qu’on commence la conversation… Je pose toujours ma question brise-glace à mes invités. Et toi, je voulais te poser la question : c’est quoi l’ambition pour toi ?

[00:06:25.300] – Sylvie Ramel

Pour moi, l’ambition, c’est d’arriver à me réaliser d’une manière qui soit la plus alignée possible, avec quelque part, tout au fond de moi, vraiment le sentiment de contribuer.

[00:06:39.400] – Sylvie Ramel

C’est de trouver cette intersection entre une réalisation de moi, mais avec quelque part une cause que je porte, quelle que soit la cause, mais bien sûr, une cause qui m’est proche, qui fasse du sens. Mais je n’ai pas envie de réussir juste pour moi toute seule, mais quelque part pour ma contribution au collectif.

[00:07:00.200] – Tatiana St-Louis

Oui, et je pense que ça rejoint beaucoup des personnes qui naviguent dans mon univers ou qui font de l’entrepreneuriat… Excusez, désolée, le téléphone a sonné… Qui naviguent dans mon univers ou qui ont cette vision de l’entrepreneuriat comme d’un geste collectif ou une trace qu’on peut laisser. Puis comment pour toi… Tu sais… Est-ce que c’est quelque chose que tu as été… Par exemple c’est social dans ta famille ? Ça a été très, je sais pas moi, encouragé ou comment t’en es venue à ça ?

[00:07:38.070] – Sylvie Ramel

Non, je dirais a contrario, je pense c’est vraiment même juste l’inverse, parce que dans mon parcours personnel, moi je suis partie assez tôt comme ça, vers une carrière plus de chercheur, enfin de chercheuse, pas dans un premier temps, mais quand même, je suis partie très vite vers investir dans l’intellect, là où je venais d’une famille plutôt paysanne et ouvrière, donc pour laquelle il y avait justement absolument aucune reconnaissance du travail intellectuel. Et puis très très tôt dans ma vie en fait, quand j’avais vers les 16-17 ans, j’ai déjà été plutôt engagée dans des mouvements associatifs… La prévention sida à l’époque, enfin, pas mal de choses. Pour moi, c’était une manière de construire du sens à mon existence que de m’engager et de contribuer en fait.

[00:08:29.130] – Tatiana St-Louis

Hum. C’est intéressant. Ouais, c’est intéressant. Puis justement, la raison pour laquelle je t’ai invitée là, maintenant aujourd’hui, c’est que j’avais lu une de tes infolettres que je trouvais vraiment… Elle m’avait vraiment ouvert les yeux sur des façons dont certaines choses qu’on fait au quotidien, où on approche certaines pratiques, et dans ton cas à toi la cuisine, peuvent avoir des effets très profonds au niveau de l’individu et à travers ces effets dans l’individu, à ce qu’on va pouvoir ensuite changer autour de nous, changer dans le collectif. Puis je veux juste nommer une des phrases que tu avais utilisée au début, parce que je trouve que probablement que tu vas pouvoir nous expliquer ce que tu veux dire par-là, puis ça va vraiment nous introduire dans le sujet, mais tu écrivais : « le smoothie vert ne sauvera pas la planète ». Et je trouvais ça intéressant parce que justement, tu sais, c’est tellement l’image qu’on se fait des activistes à quelque part, genre bourgeois, influenceurs Instagram qui nous disent voici comment faire du self-help, du développement durable, etc. Fait que je voulais t’entendre sur cette phrase particulière.

[00:09:50.180] – Sylvie Ramel

Ouais ben là en fait, c’est vraiment avec cette phrase… En fait, ça, ça résume aussi énormément tout mon parcours, dans le sens où j’ai à la fois un long parcours de développement personnel, d’implication dans la méditation pleine conscience, etc. D’un autre côté, j’ai aussi toute une carrière professionnelle plutôt versée dans la science politique, la philosophie politique. Donc j’ai ce regard à la fois centré sur l’individu, puis en même temps centré sur la société, et puis un regard très critique sur comment les deux s’articulent l’un à l’autre. Et puis l’exemple du smoothie vert, c’est en fait, c’est un exemple qui est vraiment pas du tout lié au hasard. C’est-à-dire que déjà c’est quand même un peu l’étendard de l’alimentation saine, le stéréotype. Puis en même temps, de mon côté, j’aime autant la cuisine saine que la cuisine écologique. Et puis le smoothie vert très souvent, c’est pas très écologique parce que finalement c’est censé, en tout cas pour moi qui vit en Europe, de manger des avocats, qui est quand même un des ingrédients du smoothie vert, ça a du sens de la fin de l’automne à la fin de l’hiver à peu près.

[00:10:56.360] – Sylvie Ramel

Puis tout le reste de l’année, ça vient de l’autre bout de la planète. Et puis c’est pas du tout écologique de manger comme ça, donc je vois pas comment sauver la planète en consommant des avocats en Europe au mois de juillet par exemple. Et puis par ailleurs, cette infolettre est en fait une sorte d’hommage que je rendais à une amie proche qui est vraiment une des personnes que je connais, qui a eu une vie extrêmement saine ces dernières décennies en termes d’alimentation, d’hygiène, de vie, de méditation, etc. Et puis ça ne l’a pas empêchée d’avoir l’été dernier un cancer grave qui était diagnostiqué. Et puis il y avait comme un mouvement aussi de révolte quelque part, de compassion et de révolte envers elle, de me dire ben malgré tout ce qu’elle a fait, tout son engagement envers elle-même, envers aussi la planète, parce que c’est vraiment une vie saine, mais aussi une vie tournée vers l’écologie, et bien malgré ça, ça ne l’a pas empêchée de tomber malade. Pour l’instant, en traitement, elle est encore là.

[00:11:56.480] – Sylvie Ramel

Mais il y a quand même eu cette prise de conscience que de manger sainement, c’était pas forcément l’alpha et l’oméga non plus d’une vie bonne au sens aussi… La vie bonne, comme l’expriment les philosophes, c’est en fait… La vie bonne, c’est une vie bonne pour soi, mais c’est pas que pour soi, comme ça peut des fois être un peu le biais de certains mouvements comme ça, centrés sur la santé, le bien-être où finalement on va avoir une approche que je trouve très très libérale dans le sens néolibéral, on va être centré à la fois sur son propre bien-être et puis en même temps, on va aussi beaucoup se culpabiliser si on n’arrive pas, si je n’arrive pas à aller mieux. Alors que si je reprends les lunettes de la politologue ou d’un sociologue, bah en fait, parfois je peux tout faire très bien, mais je suis quand même prise dans un contexte sociétal, un contexte culturel, un contexte familial, un contexte collectif qui fait que c’est pas toujours possible d’aller bien uniquement par ma volonté individuelle.

[00:13:01.850] – Sylvie Ramel

Je suis quand même… Ça s’insert quand même dans une réflexion plus vaste. Et c’est pas juste de boire des smoothies verts qui va me sauver finalement.

[00:13:12.050] – Tatiana St-Louis

Oui, il y a tellement de points intéressants que tu as amenés. Puis je suis en train d’hésiter entre trois questions que j’ai envie de te poser et je pense que je vais te les poser. Puis après ça, on va les mettre en ordre ensemble. La première chose, c’était peut-être juste expliquer à ceux qui nous écoutent pourquoi tu as focusé sur l’alimentation plutôt que d’autres types de causes. La deuxième qui me venait et qui a beaucoup résonné, c’est cette fameuse définition de ce que sain veut dire. Parce que sain, je pense qu’il y a quelque chose de très moral aussi qui est associé à ça dans le contexte néolibéral, donc un contexte capitaliste et colonial dans lequel on vit, mais comme tu dis aussi genre axé comme l’individu, comme étant responsable de lui-même et désinvesti de sa communauté, ce qui est, en passant, vraiment contradictoire à plein d’autres cultures. Les cultures africaines sont beaucoup plus axées sur le collectif et le soin collectif que nos cultures occidentales… Fait qu’on va s’en tenir peut-être à ces deux questions. Mais voilà où mon cerveau est allé quand je t’écoutais. Puis je sais pas, peut-être on peut commencer par pourquoi l’alimentation tu l’as choisie comme ton porte-étendard de ta vision ?

[00:14:38.090] – Sylvie Ramel

Alors pour l’alimentation, je peux répondre par une réponse très personnelle et une réponse plus culturelle entre guillemets ou plus symbolique. Mais peut-être je commence par la deuxième. Déjà l’alimentation. En fait, on est toutes et tous amenés à manger à un moment donné, sauf quelques exceptions. La nourriture, c’est quand même un des éléments vitaux pour notre vie, notre survie ou notre vie au quotidien. Et puis ça en fait quelque part, de ce fait-là, un terrain de jeu vraiment intéressant ou un terrain d’expérimentation. Parce qu’à travers ça, je vais pouvoir me positionner, soit je suis dans la différence, je suis dans l’anxiété, je suis dans la joie, je suis dans la plénitude, je suis dans la paix intérieure. Je suis dans toutes sortes de choses. Mais quoi qu’il en soit, me nourrir, je vais me nourrir, et puis je vais pouvoir comme ça, utiliser ça comme cadre d’analyse pour beaucoup de comportements, d’attitudes, de manières de me relier à moi-même, aux autres, au monde extérieur, à l’environnement.

[00:15:35.060] – Sylvie Ramel

Ça, c’est un aspect. Et puis après, dans mon histoire personnelle… Si je remonte pas jusqu’au tout tout début de ma biographie, mais disons que si je remonte aux alentours de 2007-2008 à un moment donné, j’ai fait un choix, un renoncement aussi d’aller vivre ailleurs que là où je vivais à cette époque-là. Puis je me suis dit « Bon, si je reste, vivre là où je suis maintenant, c’était pour avoir un peu… D’être une sage, gentille fille, de continuer ma carrière académique. » Et puis je m’étais dit en contrepartie, je vais faire un truc qui me plaît vraiment à 200 %. Et puis c’est là que j’ai commencé à me former sur les plantes sauvages comestibles. Et puis si je l’ai fait, c’est que c’était aussi quelque chose qui me permettait de renouer enfin 15 ou 20 ans après avoir quitté la maison, avoir quitté les montagnes dans lesquelles j’ai grandi pour aller vivre dans différentes villes en Europe, quelque part, ça me permettait d’enfin renouer avec mon rapport à la nature. Puis ça, c’est passé immédiatement aussi par l’alimentation.

[00:16:39.660] – Sylvie Ramel

Parce qu’à la fin de chaque cours d’identification des plantes, on avait aussi une partie du cours qui était d’apprendre à les cuisiner. Donc en fait, ça m’a plongée tout de suite aussi dans ce rapport au plus étroit entre la nature, les plantes d’un côté, l’alimentation, la cuisine de l’autre, et puis voilà. Ça, ça s’est développé à partir de 2007-2008, comme ça, un peu de manière assez organique d’abord juste pour moi, et puis petit à petit, en fait, voilà, certaines personnes m’ont demandé des recettes, après elles m’ont demandé des cours et puis ça s’est enchaîné. Mais tout ça était sous forme de loisir. Et puis ce n’était pas très réfléchi, c’était juste voilà, je faisais un peu à la demande, je faisais, je proposais des choses. Et puis je suppose que, en parallèle de tout ça, moi, j’étais engagée dans une carrière de recherche, mais qui n’avait absolument rien à voir, à travailler sur les situations post-conflits armés et puis quelque part dans les premières réflexions aussi sur mon positionnement par rapport aux plantes, à l’alimentation, c’était aussi comment je me positionne par rapport à toute cette violence à laquelle je suis confrontée dans mes travaux de recherche.

[00:17:54.000] – Sylvie Ramel

Et puis assez vite pour moi, ça devenait clair que c’était absolument loin d’être une fuite. C’était pas « tout d’un coup, je ne parle que de plantes, je passe mon temps à récolter des plantes pour fuir la réalité », mais c’est une manière de, je pense, de rendre, je sais pas de rendre hommage au vivant quelque part, c’est de m’inscrire dans le vivant. C’était vraiment… C’est travailler aussi la pulsion de vie par rapport à la pulsion de mort, si j’utilisais les termes un peu freudiens. Mais c’était je pense un peu un des points principaux de mes réflexions là autour. Puis après, voilà, j’ai continué à cheminer dans mes réflexions et puis je pense, aujourd’hui aussi, je replace ma réflexion sur l’alimentation dans le contexte à la fois de la cuisine, santé, vitalité, puis de l’autre côté dans le contexte de l’écologie. Sachant que j’ai aussi… Je suis engagée de longue date. Même en politique, j’ai fait de la politique avec les partis des Verts. Voilà, pour moi, c’est vraiment des choses qui sont importantes dans mon système de valeurs.

[00:19:01.040] – Tatiana St-Louis

Oui, c’est intéressant le lien que tu fais avec ta recherche qui était basée sur la destruction et donc la reconstruction qui vient j’imagine après, après toute cette pulsion de mort comme tu dis, toute cette destruction. Puis, la nourriture étant naturellement le nourrissement et la vie et la façon de rester en vie et de se développer, fait que, non, c’est vraiment fascinant comme histoire. Et puis après ça, c’est ça, tu as approfondi j’imagine un peu plus ta compréhension de comment ça s’inscrivait aussi à un niveau presque spirituel. Ça c’est comment je le comprends, mais…

[00:19:45.100] – Sylvie Ramel

Après, dans les jalons importants, c’est que dans tout ce mouvement, comme ça aussi de prendre un peu ce qui m’était proposé, notamment à un moment donné, j’étais sollicitée pour cuisiner pour des retraites, de yoga, de méditation, etc. Et puis en fait, c’était une expérience marquante aussi, certaines de ces retraites, en particulier une rencontre avec un moine dans la lignée de Thích Nhất Hạnh qui était vraiment dans le mouvement de la pleine conscience, où là j’ai pu rencontrer aussi un lien spirituel à la nature et à l’alimentation qui résonne à 100 % avec moi. Parce qu’il y avait quelque chose de l’ordre aussi de la joie, de la joie intérieure, de la joie qui rayonne. Et puis ça, c’était pour moi un moment tellement marquant que finalement, je crois que c’était deux ans après, on a même organisé ensemble une semaine de retraites en silence autour de la méditation et de la cuisine sur une petite île isolée en Bretagne. Et puis en fait, pour moi, d’un coup tout avait pris pleinement sens, parce que j’étais à la fois dans cette voie spirituelle, mais qui restait dans l’humilité et dans la joie, qui n’était pas non plus dans la contrition, ce qui nous ramènerait dans ce contexte un peu moralisateur aussi de certaines de ces approches santé très dogmatiques, moralisatrices, mais là c’était vraiment vivre aussi l’alimentation saine que j’enseignais pendant cette semaine, pendant que le moine en question donnait les enseignements spirituels, mais c’était d’être vraiment engagé à travers tout ça dans le courant de la vie, donc vraiment à 1000 lieues du perfectionnisme ou des normes, ou des cadres bien pensants, etc.

[00:20:56.920] – Sylvie Ramel

Voilà, l’enjeu c’était pas de manger sainement parce qu’on doit manger sainement, mais c’est juste parce que c’est ça qui est le plus vivant en nous et autour de nous en fait.

[00:21:38.340] – Tatiana St-Louis

Oui, et le lien entre la cuisine et la communauté aussi est tellement évident. Puis tu sais, c’est ça qu’on voit aussi dans le conflit, les conflits qu’il y a en ce moment dans le monde, qui sévissent, où les moments de cuisine ensemble, même si c’est aussi un rappel traumatique des événements actuels, mais c’est les moments de joie qui sont partagés avec les autres, parce que c’est un genre de célébration de cette vie qui continue à être nourrie et demande d’être nourrie.

[00:22:13.950] – Sylvie Ramel

Oui, après c’est pas… Ça ne se donne pas de manière évidente parce que c’est vrai quand on est dans les alentours des fêtes de fin d’année, c’est un exemple classique où le repas ensemble, il n’est pas du tout donné d’avance que ce sera agréable, sympathique, joyeux, facile. Mais c’est pour ça que pour moi, c’est… Des fois je compare quand même aussi comme la manière dont je construis mon rapport à la nourriture ou à l’alimentation ou à la cuisine, comme un chemin vraiment, dans le sens aussi de cheminer sur une voie spirituelle. Et puis c’est ça, je pense que j’ai aussi voulu décrire dans l’infolettre à laquelle tu faisais référence, c’est que il y a quelque chose de l’ordre de la discipline, mais dans le sens le plus noble du terme aussi de la discipline spirituelle, de comment je me positionne et je me repositionne un peu au jour le jour, quotidiennement déjà juste seule face à moi-même, sur comment aussi je fais de ce moment pendant lequel je cuisine non pas une corvée, mais un instant qui est presque un instant sacré où je vais me relier de manière verticale aussi à quelque chose qui me dépasse.

[00:23:25.260] – Sylvie Ramel

Et puis ça, je peux l’atteindre par différents chemins. Mais c’est vrai que la pleine conscience telle qu’elle s’est développée ces dernières années, elle donne quand même des clés assez concrètes pour ce moment de reliance que peut être le moment de cuisiner ou le moment de manger, au moment de partager le repas éventuellement avec d’autres. Mais voilà, je pense que… C’est en tout cas, c’est un moment d’un peu de… Comment dire ? Ça va agglomérer comme ça, ça va fusionner aussi, vraiment différentes choses qui sont certaines au niveau individuel et d’autres au niveau collectif, ce moment de l’acte de manger. Puis vraiment, c’est en ce sens-là qu’on est bien au-delà de juste du smoothie vert, effectivement.

[00:24:10.730] – Tatiana St-Louis

Hum ouais non, on en revient à la question initiale sur le smoothie vert. Puis peut-être justement… Tu utilises le terme cuisine vitalité. J’imagine ça, est-ce que c’est un mouvement qui existe ou c’est un terme que t’as choisi et comment est-ce que ça veut être en opposition ou en contraste avec la cuisine santé et par exemple le travail d’un nutritionniste ou de personnes qui suivent certaines diètes qui sont considérées comme santé ?

[00:24:47.870] – Sylvie Ramel

Ouais, en fait c’est un terme qui est parfois utilisé, mais pas très couramment. On utilise parfois un terme qui est encore plus jargonneux, qui est la cuisine hypotoxique. Mais là je trouve que c’est… Je l’ai utilisé moi-même pendant des années. Ça veut dire que c’est une cuisine où on élimine tout ce qui serait intoxifiant, arrêter tout ce qui serait acidifiant. Donc on évite le sucre, en tout cas, les sucres raffinés, les produits laitiers, les produits carnés. On privilégie tout ce qui est plutôt alcalinisant. Donc c’est plus une logique de… Tout un travail autour de l’acido-basique. Mais quand je dis cuisine vitalité, ça me sort comme ça un peu de ce jargon cuisine, santé et puis peut-être nutrition ou certaines approches de nutrition. Et puis ça me permet d’ouvrir le cadre justement, puis de dire finalement ce qui compte c’est pas de faire tout juste, mais c’est de trouver une solution qui me corresponde, qui soit quand même pas juste de la cuisine intuitive, que des fois je trouve que ça peut être aussi une voie sans issue, parce que c’était un peu le contrepied des normes ou des cadres.

[00:25:48.920] – Sylvie Ramel

Se dire tiens, on va juste suivre notre intuition. Mais moi je sais que d’expérience, il y a des fois où je mange beaucoup de chocolat noir sans que j’ai besoin de tant de magnésium que ça. Donc il y a un moment donné, je pense que c’est intéressant d’avoir un cadre, disons, théorique, avec des principes de base quand même qui soient posés, et puis qu’ensuite je me libère, je m’émancipe aussi ce cadre, avec en fait comme mot-clé principal la question d’équilibre. Ça veut dire que je vais aussi parfois sortir du cadre, mais je vais pas, je vais pas avancer sans cadre, sans fil-rouge, je vais garder un cadre ou un fil-rouge, mais je veux pas m’enfermer, me laisser enfermer là-dedans. Donc je vais essayer de trouver mon propre équilibre, que ce soit un équilibre sur qu’est-ce que je mange, est-ce que de temps en temps je mange des produits transformés, raffinés, etc. mais simplement j’en mange pas tous les jours trois fois par jour. Mais c’est aussi dans les choix. Est-ce que par exemple, est-ce que j’achète des noix de cajou ou pas, sachant comment elles sont récoltées ? Est-ce que j’achète des produits qui viennent de l’autre bout du monde ?

[00:26:44.420] – Sylvie Ramel

Combien de fois j’en achète ? Puis ça après, c’est des décisions individuelles, puis qui pour moi doivent faire vraiment l’objet d’une réflexion, d’une recherche d’équilibre. Mais dans tous les cas, j’essaye aussi de…. Pour moi, cette cuisine vitalité, c’est-à-dire je reste dans le courant du vivant. Et donc courant du vivant, ben ça veut dire que je sors aussi du jugement ou de l’auto-jugement par rapport à tout ça, mais c’est d’essayer de trouver cette alchimie où j’ai un certain nombre de principes, de normes, de règles qui sont comme un phare dans la tempête. Mais c’est pas non plus… ça devient pas une camisole de force par rapport à comment je vis mon quotidien. Et puis ça veut dire aussi que je suis sur cette tangente aussi du libéralisme politique, ça veut dire j’exerce aussi ma liberté individuelle, mais elle prend toute sa valeur parce que je prends aussi en contre-partie mes responsabilités.

[00:27:52.250] – Sylvie Ramel

Je suis pas dans une liberté à outrance déresponsabilisée, mais je ne suis pas non plus infantilisée à juste suivre les règles qu’on m’a dictées ou que j’ai lues quelque part.

[00:28:05.420] – Tatiana St-Louis

Donc c’est une pratique déculpabilisante autour de l’alimentation, tout en déculpabilisant mais pas déresponsabilisant. Pis je pense que souvent les gens vont mélanger les deux, en se disant « ma responsabilité me génère de la culpabilité et donc je dois agir de telle façon ». Mais là, toi, ce que tu amènes, c’est quelque chose qui est comme « non, il y a une façon d’être responsabilisé et de quand même agir dans notre cadre éthique et faire des choix qui sont autant sains pour nous, le corps, mais aussi pour l’humanité. »

[00:28:45.320] – Sylvie Ramel

Oui et puis c’est pour ça aussi, pour revenir à cette définition ou à une définition du terme de cuisine vitalité, c’est aussi finalement… J’ai un peu détaché comme ça cette notion de vitalité pour me dire « là, ça peut être quand même, quelque part, comment dire ? Un facteur d’objectivation, ça veut dire « est-ce que objectivement, je me sens en vitalité ? », c’est-à-dire, le plus important, c’est « est-ce que je sens que j’ai l’énergie pour accomplir tout ce que j’ai envie d’accomplir dans ma vie ? » Et puis là, ben à la fois c’est déculpabilisant, mais c’est quand même objectivant. Mais par contre, c’est quelque chose que je peux objectiver pour moi.

[00:29:28.940] – Tatiana St-Louis

Objectiver, peux-tu juste nous trouver un autre mot ? Parce que même j’essaie de vraiment le définir dans ma tête pendant que je t’entends…  Objectivant dans le sens je me désinvestis du choix ou ?

[00:29:41.210] – Sylvie Ramel

Alors c’est dans le sens d’objectif subjectif, c’est vraiment que là je peux quand même mettre quelque chose de… Je peux essayer d’évaluer selon des critères plus ou moins tangibles. Est-ce que je me sens  fatiguée ou pas fatiguée ? Est-ce que je sens que j’ai de l’énergie ou pas ? Comment je me sens dans mon corps aussi ? Ça peut être vraiment très tangible au sens vraiment quel est mon niveau d’énergie, mon niveau d’éventuelles douleurs, etc de mon corps ? C’est vraiment dans ce sens-là.

[00:30:07.490] – Tatiana St-Louis

Okay. Intéressant. Ça me menait à une autre question qui est vraiment très terre à terre. Mais, tu sais comme j’ai l’impression, des fois que par exemple, tu te dis bon, l’observation des plantes et des choses comme ça, moi qui vit en ville, tu sais, est-ce que je peux faire ce genre de choses là ? Parce que j’ai l’impression que j’ai pas accès à la nature où je peux aller. Tu sais, j’ai accès à des choses qui poussent en serre. J’ai accès à des choses qui sont vendues dans les supermarchés. Comment on approche ça quand on n’est pas dans un milieu très proche de la nature entre guillemets ?

[00:30:48.300] – Sylvie Ramel

Donc moi j’ai la conviction profonde que, où qu’on se trouve, on peut accéder à même un élément résiduel de nature quelque part. Donc ça peut être, si je suis en ville, des fois c’est d’aller observer entre les pavés déjà ce qui pousse. Ensuite, ça peut être aussi de quelle manière je veux me relier à tout ça. Ça peut être que dans les rares moments où je sors de la ville, que je puisse me ressourcer. Mais même dans un parc. Quand je travaille les plantes sauvages, je travaille avec des plantes, certaines qui sont d’une grande banalité. Donc une ortie, un plantain. Enfin, j’ai comme ça toute une série de plantes. Là, je travaille avec un corpus d’un peu plus d’une trentaine de plantes, il y a au minimum un tiers de celles-ci que je suis quasiment certaine que tu vas pouvoir retrouver en ville. Et puis certaines que tu pourras peut-être uniquement regarder parce qu’elles ne sont pas propres à être ramassées à cause de la pollution, à cause des activités humaines quelles qu’elles soient.

[00:31:47.100] – Sylvie Ramel

Mais certaines même, je sais pas, je pense à des fleurs de sureau noir, ça c’est vraiment des activités que j’ai fait, j’ai organisé des récoltes de fleurs de sureau noir ou de tilleul en ville parce qu’il y pousse quand même des choses. Puis après bon, si c’est pas ça, ça peut être même d’aller chez un herboriste et puis d’acheter des plantes qui sont des plantes médicinales mais avec lesquelles on peut aussi faire tout un travail pour se mettre en lien avec ces plantes, les qualités, leurs principes, vraiment ce qu’elles vont apporter en termes plus thérapeutiques ou en termes symboliques. Donc je pense qu’il y a vraiment mille et une façons de s’y relier, c’est… Voilà, après ça peut être… Moi j’ai développé notamment une activité autour du dessin des plantes qui est vraiment juste de dessiner la plante. Ça revient de manière très récurrente chez les personnes qui suivent ces activités-là, ces programmes, c’est qu’elles se sentent se mettre en lien avec la plante. Donc d’un côté, oui, rien ne remplace le contact direct d’être vraiment dans les sous-bois, en train de récolter un peu d’aspérule.

[00:32:56.370] – Sylvie Ramel

Mais l’aspérule, on va pouvoir la retrouver chez l’herboriste, on va pouvoir la dessiner, on va pouvoir en déguster en dessert. Enfin, il y a différentes manières d’approcher ça et puis, par exemple dans ces activités de dessin des plantes, ce que je trouve presque tout aussi important que de me relier avec la plante, c’est que je me relie avec moi-même, avec une part de moi qui aspire à être justement connectée à la nature.

[00:33:23.780] – Tatiana St-Louis

C’est intéressant aussi. Bon, toi t’es localisée en Suisse, moi je suis ici au Canada. Pis tu sais, moi, quand j’imagine toute cette connaissance de la nature et des plantes, j’imagine aux Premières Nations et aux personnes qui étaient ici avant la colonisation. Puis il y a quelque chose de vraiment aussi intéressant à se connecter à d’autres cultures, mais aussi à nos ancêtres, pour ceux qui ont, en tout cas qui ont une lignée comme ça. Puis justement, c’est dans ce lien de connexion, pis on en revient encore avec ce qu’on dit au collectif versus l’individuel, cette observation, ne serait-ce que d’une image et de comprendre que cette plante a des bénéfices qu’elle pousse pas très loin de chez nous dans un environnement naturel. Au niveau encore une fois spirituel ou psychologique, ça peut avoir quelque chose de presque soignant et connectant. Pis là on en revient peut-être à notre définition de qu’est-ce que c’est être sain, du moins sain et soin, c’est la même racine fait que ouais, est-ce qu’il y a des piliers dans ton approche, dans ta méthodologie que tu considères être importants dans la façon dont tu veux ouvrir les esprits à ce genre de pratique.

[00:35:01.940] – Sylvie Ramel

Ouais, je pense, déjà ce qui me vient spontanément aussi quand tu évoques cette question, c’est pour moi une des choses fondamentales, c’est vraiment la question du lien, c’est-à-dire c’est le lien que j’entretiens avec moi-même en premier lieu, de toute façon, c’est le lien que j’entretiens avec les autres et puis avec la nature autour de moi ou avec la société aussi. Et puis je pense que aussi, ce que je mettais en avant dans cette infolettre qu’on évoquait au tout début, qui est quelque part pour moi en train petit à petit de devenir un peu mon manifeste quand même, cette question du lien, quelque part, je suppose qu’elle est un peu un fil-rouge de la réflexion que je développais. Peut-être aussi dans cette infolettre, je parlais d’une cuisine de résilience. Déjà, le premier lien pour moi, c’est de faire le lien entre ce niveau individuel et collectif, comme on l’a dit là, maintenant, tout au long de cette discussion. Et puis c’est de voir aussi que la résilience, c’est pas juste un concept psychologique individuel, comme on le connaît beaucoup, c’est aussi construire des écosystèmes résilients.

[00:36:09.770] – Sylvie Ramel

Et puis construire un écosystème résilient, c’est travailler sur la communauté, sur des questions de justice sociale, d’équité par exemple quand on parle de commerce équitable. Mais c’est de travailler aussi sur la structure aussi du système de santé et faire le lien entre mon comportement individuel dans mon rapport à l’alimentation. Il a quand même, que je le veuille ou pas, il va avoir un impact aussi sur la santé du système de santé lui-même. Parce que quelque part, si on est tous en train de manger de la malbouffe industrielle ultra transformée, on impacte aussi sur le système de santé quand même. C’est là qu’on revient aussi sur ces questions liberté versus responsabilité. Et puis après il y a vraiment la question de toute l’implication plus au niveau environnemental et puis le lien, là, il se joue de manière importante. Quand je choisis de privilégier les ingrédients qui sont locaux de saison, ça veut dire que je viens aussi redonner de la force aux producteurs locaux, que ça soit vraiment de la force, même économique.

[00:37:10.610] – Sylvie Ramel

Donc là c’est aussi, voilà, je pense, un des questionnements qu’on a eus au tout début, c’était ce lien aussi avec la pleine conscience. Mais je pense que c’est là que la pleine conscience, elle se déploie. C’est vraiment aussi dans une attitude de pleine conscience pour moi, vis-à-vis de ce qui m’entoure, mais c’est vraiment dans le sens quasiment politique aussi de la conscience que chacun de mes actes, chaque fois que j’ouvre mon frigo ou mon placard, quelque part, je pose un acte politique, parce que tout ce que je fais à ce niveau individuel de mes choix, de ma liberté d’agir, ça a quand même, dans tous les cas, ça a une conséquence, quelle qu’elle soit. Donc ouais, je pense que c’est là qu’il y a quelque chose qui est important pour moi, puis quand je parle de la résilience, en sortant aussi la résilience de son carcan individualiste psychologisant, c’est aussi de remettre comme ça dans cette réflexion sur les écosystèmes, je vois qu’il y a la question de cuisiner en conscience ou en pleine conscience, ce qui est important.

[00:38:11.240] – Sylvie Ramel

Mais après c’est tout aussi important que quelque part, quand je fais ces choix, je peux me reconnecter avec mes valeurs profondes. En tout cas, pour moi ça résonne fort, ça s’entend aussi dans comment je présente ça, mais ça veut dire que quelque part, j’avais écrit cette infolettre aussi dans un moment de rupture douloureuse. Et puis c’était parti de ma réflexion. Mais dans ce moment de rupture que je suis vraiment très mal moralement, qu’est-ce qui me fait du bien ? On pourrait des fois penser que spontanément, on va se jeter sur un paquet de chips ou aller manger des spaghettis à la crème parce que c’est un peu ce qu’on a comme image aussi de la nourriture réconfortante. Puis en vraiment, ressentant ce que j’avais au fond de moi, je me suis dit non, en fait, ce qui m’apporte du réconfort, c’est pas ça, c’est au contraire c’est de manger des ingrédients qui sont faits par des producteurs que je connais, des légumes que j’ai achetés chez le maraîcher ou qui ont poussé dans mon propre jardin.

[00:39:07.820] – Sylvie Ramel

Pis c’est ça qui m’apportait le véritable réconfort, qui n’était pas un espèce de réconfort de compenser ou remplir les vides, c’était faire résonner la plénitude à l’intérieur de moi, quelque part. C’est être présent.

[00:39:23.150] – Tatiana St-Louis

J’adore ce que tu dis. Parce que c’est pas comme un réconfort où on doit absolument prendre ou consommer, mais vraiment dans ce lien dont tu parles, puis je lisais, je sais pas, je me rappelle plus dans quel contexte, mais elle disait, tu sais, on parlait des récompenses qu’on se donne, tu sais. Puis souvent on a l’impression qu’une récompense c’est justement un morceau de gâteau au chocolat ou acheter quelque chose en ligne qu’on va porter, ou un vêtement ou peu importe, ou prendre un bain, mais le réconfort aussi, ou la récompense, ça peut aussi être d’acheter un bouquet de fleurs à quelqu’un ou d’aller faire du bénévolat dans le sens que la dopamine ou les hormones qui sont créées à l’intérieur de nous sont les mêmes. Quand on est dans le lien, quand on est dans l’entraide et quand on sent que ce qu’on fait est bien et bon. Pis on en revient avec cette définition de la bonne vie qui est celle qui nourrit réellement parce que… Mais elle est pas nécessairement juste axée sur ce que moi je consomme.

[00:40:34.500] – Sylvie Ramel

C’est ça, c’est ça. Et pis c’est pour ça que pour moi, cette notion du lien, elle est juste fondamentale. Elle est juste tellement importante parce que finalement, je peux donner un contre-exemple total dans une autre… En fait, les séparations amoureuses me font beaucoup réfléchir. J’avais il y a quelques années, au moment d’une séparation, en fait, peu de temps avant, on m’avait dit que jeûner c’était très très accompagnant dans des moments de deuil. Je me suis dit tiens, je vais tester ça. C’était un premier pas aussi dans une redéfinition aussi de ce que représentait l’alimentation pour moi par rapport à ma vie, à mes émotions, à mes affects, etc. Donc j’ai jeûné pendant trois semaines et ça a été effectivement très accompagnant au moment du deuil, parce que pour la bonne raison, c’est que d’habitude, dans un autre contexte, j’allais me jeter sur la nourriture. Et puis là, comme je mangeais rien en fait, je me suis jetée sur mon téléphone pour aller discuter avec les amis, me mettre en lien.

[00:41:35.820] – Sylvie Ramel

Ça a vraiment, vraiment modifié ma perception des choses. Ou tout d’un coup, justement, la nourriture n’était plus juste une compensation quand je me sentais vide à l’intérieur et je me suis remplie par autre chose dans ce moment-là. Et ça, je pense que c’est beaucoup…. Voilà. Quand j’en suis là maintenant, plusieurs années plus tard, avec ce concept de cuisine, de résilience, quelque part, c’est un peu la prolongation de cette expérience. C’est me dire « comment je peux trouver refuge dans la cuisine, mais pas par justement acte de compenser un manque, mais au contraire de me remplir de plénitude ? ». Parce que dans l’instant, je me sens connectée, je me sens connectée, parce que simplement peut-être que je prête attention au bruit du couteau en train de trancher un légume. Je me sens reliée, je me sens en lien avec tous mes sens, quelque part reliée à l’expérience que je vis dans l’instant présent. Et puis à ce moment-là, dans cet instant présent, il n’y a plus de manque.

[00:42:34.460] – Tatiana St-Louis

Non, c’est ça. Il n’y a plus de manque ou il y a plus de conscience. Ben il y a juste une conscience du manque quand on interprète le moment présent. Mais, pis je pense que c’est ça que tu voulais peut-être dire par-là objectiver, comme une fois que l’expérience est juste prise en tant que telle, elle devient neutre. Mais elle peut aussi, après ça, ça devient un choix et donc une liberté de choisir. Vais-je l’expérimenter comme manque ou comme plénitude ?

[00:43:07.340] – Sylvie Ramel

Et puis là, ça débouche sur des choses qui sont des choses que j’ai beaucoup travaillées avec toi aussi dans MoneyBrand, c’est aussi comment construire un espace de sécurité, mais c’est aussi comment me réapproprier mon pouvoir dans cet espace de sécurité. C’est pas un espace de sécurité où je vais juste me dorloter moi-même avec mes plats que j’aurais cuisinés. Et c’est vraiment un espace de sécurité pour grandir, pour me soigner, me guérir au sens plein du terme. Et puis reprendre ma force. C’est là qu’on retrouve la notion de vitalité, mais vraiment reprendre pleinement ma force vitale.

[00:43:41.120] – Tatiana St-Louis

Hum. J’adore, j’adore. Il y a tellement de choses que j’aimerais discuter avec toi encore. C’est toujours la même chose avec les entrevues. C’est comme ok, là j’ai plein de questions. Peut-être parce que là, le temps file, peut-être une chose qui pourrait aider les gens à visualiser ou à concrétiser ce dont on a parlé aujourd’hui, c’est nous donner trois, ou peut-être deux ou trois exemples de ce que tu fais avec tes clients et comment tu essayes d’introduire tous ces concepts, toute cette vision dont on a parlé en quelques mots pour qu’on puisse comprendre comment ça s’applique, comment on peut nous venir chercher cette réflexion, puis comment ça peut nous transformer dans notre quotidien.

[00:44:31.480] – Sylvie Ramel

Alors bon, l’approche la plus évidente à la surface, c’est tout le travail justement avec les plantes sauvages comestibles. Et puis le dessin qui est vraiment plus ce que j’ai appelé le dessin botanique contemplatif, qui est vraiment les termes comme ça, qui nous indiquent qu’on est quand même dans ce champ d’expérimentation. Mais c’est vraiment, c’est parfois prendre vraiment juste 1 h pour uniquement se concentrer sur le dessin de la plante, des détails de la plante, etc. Et puis de plonger comme ça corps et âme quelque part dans un lien tissé avec une plante sauvage comestible. Après, dans le domaine de la cuisine, parfois, c’est préparer un bocal de lactofermentation et puis voilà, dans les techniques que j’enseigne au tout début, c’est vraiment des techniques qui sont d’une simplicité enfantine. Donc je profite de cette simplicité pour qu’on puisse se concentrer aussi sur déjà la forme, les couleurs des légumes qu’on est en train de couper, les petits bruits quand on va remplir son bocal, quand on va fermer son bocal. Et puis toutes ces actions ont un peu comme finalité aussi de débrancher le mental, de débrancher les peurs, de débrancher le jugement, d’être vraiment, de se baigner dans l’expérience elle-même.

[00:45:50.500] – Sylvie Ramel

Voilà, ça c’est un peu les deux, les deux plans. Mais après, de manière plus générale, avec toute l’approche que j’ai appelée Cuisine Vitalité, c’est aussi de proposer aux gens de pouvoir proposer à chacun, chacune aussi de pouvoir juste avoir ces concepts un peu généraux en tête, puis après, assez vite, ben les laisser de côté pour juste plonger de nouveau dans l’expérience de la cuisine créative, de choisir des choses avec tous les sens et pas uniquement avec l’intellect, de choisir d’associer des ingrédients qui vont faire une belle palette de couleur dans l’assiette, une belle palette de saveurs. Voilà des exemples. L’exemple aussi du travail aussi justement sur les saveurs avec les plantes sauvages qui m’a donné un point de départ plus simple parce que la plupart des gens, on connaît pas forcément les plantes ou pas toutes les plantes. Puis quand quelque chose est inconnu, ben on cherche à mettre des mots en fait sur ces choses inconnues. Et puis après j’ai un peu transposé avec les légumes qui souvent sont tellement connus qu’on cherche pas à vraiment les connaître.

[00:46:58.420] – Sylvie Ramel

Mais c’est vraiment tout un travail aussi de poser des mots sur les saveurs pour que, avec nos sens, dans un principe un peu neuropsychologique, on soit capable de percevoir l’entier des saveurs d’une plante. Enfin, je dis ça parce que certaines plantes, je les ai connues pendant… Des fois côtoyées pendant je sais pas dix ans, on percevront peut-être trois, un peu trois facettes de saveurs. Et puis tout d’un coup, on rencontre quelqu’un qui me parle encore d’une ou deux autres facettes de saveurs. Tout d’un coup, je l’ai appréciée différemment. D’un coup, j’ai redécouvert la saveur parce que jusque-là j’avais pas le mot, donc j’avais pas le concept. Donc ça veut dire que ça, c’est aussi une manière de plonger à travers une approche très pointue, minutieuse, de pouvoir tout d’un coup réouvrir les sens à 360 degrés et puis voilà, c’est de nouveau un chemin de liberté aussi supplémentaire.

[00:47:52.960] – Tatiana St-Louis

Vraiment intéressant, vraiment intéressant. Donc j’encourage tout le monde qui nous écoute à aller découvrir ton travail. On va mettre l’infolettre dont on a tellement parlé naturellement dans cette entrevue en lien, pour que les gens puissent aller la lire et dis-nous où tu es active, où on peut te suivre, où on peut découvrir ton travail.

[00:48:15.880] – Sylvie Ramel

Oui, alors je suis en train de réinvestir LinkedIn, ce qui fait qu’il y a maintenant un petit nombre encore plus d’articles qui commencent à délimiter bien aussi mon approche. Autrement, j’ai beaucoup, beaucoup publié, surtout en termes de photos. On va trouver énormément de choses sur Instagram si vous avez envie de vous mettre des fleurs et des feuilles plein les pupilles, il y a tout un choix. Et puis autrement, j’ai surtout ouvert maintenant un cercle, une communauté que j’ai appelée le Cercle des Sauvageonnes. Donc les sauvageonnes c’est les plantes sauvages, mais c’est aussi les sauvageonnes et quelques sauvageons. Et puis là, ça va aussi nous permettre d’avoir des discussions beaucoup plus poussées parce que j’ai aussi des espaces de questions/réponses pour pouvoir rentrer en interaction aussi en discussion autour de tout ce qui concerne l’alimentation, la cuisine vitalité, les plantes sauvages.

[00:49:09.850] – Tatiana St-Louis

Génial ! Sylvie, ce fut un plaisir de t’avoir. C’est tellement une vision différente. Il y a personne sur le podcast qui est venu nous parler de quelque chose comme ça. C’est unique et ça vient générer beaucoup de choses dans mon esprit. Donc merci d’avoir pris le temps. Et puis on se dit à très bientôt.

[00:49:33.580] – Sylvie Ramel

Oui, merci beaucoup à toi. Un énorme merci. À bientôt.

[00:49:38.320] – Tatiana St-Louis

Hey ! T’es encore là ? Ça veut dire que l’épisode t’a plu ? C’est vraiment cool ça ! Est-ce que je peux te demander quelque chose maintenant ? Aide d’autres femmes comme toi à découvrir le podcast en déposant des étoiles d’appréciation pour l’Ambition au Féminin. Sur Apple Podcast, c’est facile : défile tout en bas de la page de l’émission où tu vois les avis et tapes sur le cinq étoiles pour faire exploser mon cœur de joie. Sur Spotify, c’est encore plus simple: navigue sur la page du balado et tape l’icône en étoile en bas de la description. Merci d’avance. Je t’apprécie beaucoup.

Une révolution business est à nos portes

Mon nouveau programme signature ouvre ses portes fin janvier. Dépose ta candidature dès maintenant pour être sûre de faire partie de la toute première cohorte.

à propos de l’auteureTatiana St-Louis

Adepte de littérature russe et collectionneuse de lunettes de designer, Tatiana a fondé Aime Ta Marque pour donner des outils aux femmes de carrière et entrepreneures pour mieux raconter leur histoire personnelle. Spécialiste des communications basée à Montréal, elle s'implique au sein de plusieurs communautés visant au développement professionnel des femmes.
Ep. 152 La cuisine comme un reflet de notre rapport au monde avec Sylvie Ramel

Recherche

partage cet épisode

Pin It on Pinterest

Share This