On l’appelle Blacky Gyan. Loin de son Sénégal natal, la quantité de projets qu’elle réussit à mener de front est franchement impressionnante. Fondatrice d’une entreprise de mode et de deux webzines, instigatrice d’ateliers de développement professionnel pour femmes africaines et caribéennes, collaboratrice pour de nombreuses plateformes au Québec et à l’international et membre d’innombrables organismes à caractère communautaire, Angélique Marguerite Berthe Diène a compris la nécessité de suivre ses passions pour être heureuse. Portrait d’une altruiste aux multiples chapeaux.
Le surnom Blacky était initialement perçu comme une pique, en référence à la couleur de sa peau. Loin de le voir comme une insulte, elle a tôt fait d’embrasser le qualificatif et de le transformer en un élément de son image de marque. Angélique, après tout, est fière de son africanité. C’est notamment l’une des missions de Cheliel (précédemment connue sous le nom d’A’S de la perfection), une boutique mode qui offre des pièces uniques en édition limitée.
« Notre mission est d’africaniser la mode occidentale, et, par la même occasion, d’européaniser la mode africaine », explique-t-elle. Par l’utilisation de tissus traditionnels africains, comme le wax ou le pagne, l’entreprise s’adresse aux femmes (et aux hommes!) de tous horizons. Devant la question chaude de l’appropriation culturelle, Angélique soutient que Cheliel, au contraire, est basé sur les idées de partage et d’échanges culturels. « Nous voulons que ce transfert culturel ait lieu. C’est à l’avantage de chacun selon nous. »
Aller simple Paris-Montréal
Bien qu’elle baigne depuis longtemps dans le domaine de la mode – elle est également mannequine à ses heures – Angélique a d’abord débuté dans le secteur des finances et de la gestion. Diplômée d’une école doctorale parisienne, elle commençait tout juste à se faire un nom dans l’un des plus grands cabinets financiers du monde, EY, lorsque la vie lui a imposé un autre parcours.
Parce que c’est un fait, la vie en France est loin d’être aisée. Angélique admet avoir été victime de racisme autant dans sa recherche d’emploi que dans sa quête de logement. En réponse à certaines difficultés bureaucratiques et à l’instauration de nouvelles politiques d’immigration, la jeune femme, alors dans la mi-vingtaine, décide de quitter la France pour venir s’installer par elle-même à Montréal.
Mais comme bien des Français vous le diront à regret, les recruteurs québécois hésitent à considérer l’expérience et l’éducation outre-mer. Malgré ses diplômes et son impressionnant CV, Angélique peine à trouver du travail dans son domaine. Voyant que la recherche d’emploi ne décolle pas, elle décide de s’inscrire à Québec sans frontières, qui l’envoie prestement au Nicaragua pour un stage humanitaire de quelques mois.
Une serial-preneur à vocation sociale
« J’ai adoré mon expérience. J’y ai fait un peu de comptabilité et ai donnée des formations en design graphique, ajoute-t-elle le sourire dans la voix. J’ai même travaillé à la production vinicole! »
C’est qu’Angélique a la fibre communautaire. Elle aime redonner au prochain. En effet, lorsqu’elle et son frère Stéphane (Stefdekarda) ont créé A’S de la perfection en 2012, le but initial était de remettre leurs profits à Help the Street Children/Aider les enfants de la rue, une association sénégalaise à but non lucratif qui vient en aide aux enfants en milieu défavorisé. Grâce à ses créations, l’entreprise tente également de donner du travail aux artisans locaux et d’encourager la consommation éthique et écoresponsable.
L’engagement d’Angélique ne s’arrête pourtant pas là. Nommée bénévole de l’année du REPAF, membre du groupe jeunesse Développement et Paix, membre du conseil d’administration du Regroupement Général des Sénégalais du Canada et collaboratrice pour plusieurs publications locales et internationales (Ton Petit Look, Émergence Magazine Québec, Volup2), elle-même ne semblait plus s’y retrouver au sein de ses nombreuses implications!
« C’est vrai, des fois je dois me rappeler qu’il faut aussi que je réserve du temps pour moi,» ajoute-t-elle presque à regret. Le problème, c’est qu’elle y tient, à toutes ces initiatives. Ayant récemment pris un contrat de quelques mois pour un organisme paragouvernemental, elle a la ferme intention de consacrer la nouvelle année à son (ou plutôt ses) entreprise(s). « Je me considère comme une serial-preneur. Et ça vient malheureusement avec une intarissable curiosité! »
Retour aux sources
En 2014, Angélique revient du Nicaragua. C’est aussi l’année où son père décède. « Mon père me disait souvent qu’il pouvait toujours se fier à moi. Mais c’est vraiment à lui que je dois ma fibre entrepreneuriale. Entre sa quincaillerie, sa mercerie, ses espaces locatifs et sa droguerie (type de pharmacie), il n’avait que peu de temps pour les vacances. Son caractère industrieux était assez hors du commun. »
Dans le but de rendre hommage à cet homme important, Angélique et Stéphane ont décidé de changer le nom de leur entreprise pour Cheliel, mot hébreu qui signifie couronne. Il s’agit également du vrai nom de Saint-Étienne, le saint patron de leur père.
Projet commun imaginé avec Stéphane, graphiste et photographe de métier basé à Dakar, l’entreprise est aussi un hommage au retour au naturel et à l’amour qu’ils portent pour leur terre d’origine.
« En 2010, j’ai décidé d’entreprendre un retour aux sources. J’ai arrêté de défriser mes cheveux, ai commencé à utiliser du beurre de karité… J’ai également repris contact avec la mode traditionnelle,» commente Angélique. « Lorsqu’on a lancé la boutique, on a eu beaucoup de commentaires négatifs, souvent de notre propre entourage. On riait littéralement de nous. On nous disait que les jeunes ne voulaient pas de ce genre de vêtements. »
Mais grâce à une vision forte et unique, le duo réussit à confondre les sceptiques, si bien qu’Angélique retourne au Sénégal prochainement pour dénicher de nouveaux tissus artisanaux et continuer la production.
Avoir le courage de ses ambitions
Aujourd’hui, Angélique est également à la tête du R magazine, un webzine bilingue visant la mise en lumière des artistes de tous horizons. Elle a aussi lancé il y a quelques années les Afro Women Workshops, une entreprise d’économie sociale qui vise la promotion et le support des femmes caribéennes et africaines « de souche ou de cœur ». Son but cette année est de se consacrer à temps plein sur son entreprise principale et de l’amener au prochain niveau. Tel père, telle fille!
Lorsque je lui demande ce qu’elle souhaiterait inculquer aux femmes qui voudraient se lancer en affaires, elle répond par un seul mot : oser.
« Si j’avais écouté tous ceux qui me disaient que j’allais regretter l’argent et la sécurité qui vient avec un travail en finances, je me serais réveillée un jour en réalisant que je n’ai pas suivi mes rêves, » explique-t-elle. « Je préfère largement poursuivre ce qui me fait vibrer, et ça malgré l’inconnu et l’inconfort qui viennent avec. »
Enfin, à la question de comment elle voudrait que l’on perçoive son héritage et que l’on se rappelle d’elle, Angélique hésite : « Bonne question! J’avoue ne jamais y avoir pensé. » Une entrepreneure à succès, une philanthrope inépuisable, une militante pour l’émancipation des femmes? Et pourquoi pas quelqu’un qui a eu le courage de ses ambitions et qui s’est investie pour les mener à terme?
J’ADORE cette jeune femme que je n’ai eu le plaisir d’entrevoir qu’une seule fois (en 2014 dans mon restaurant à Dakar, le Nubi-Arts, qui abritait une exposition sur les Albinos de l’association ANIDA) et pourtant nos relations virtuelles peuvent être qualifiées de proches car nous somme constamment dans le viseur l’une de l’autre sur les réseaux sociaux, on s’aime, on s’encourage, on s’écrit, on se reconnait dans nos actions et nos rêves !
Merci AMBD d’exister et de m’appeler affectueusement ta Tata-mentor alors que j’apprends aussi beaucoup de toi… Merci car ta seule existence prouve s’il en était besoin, la liberté, le courage, l’excellence, l’intelligence, l’audace d’une femme Kamit ! JE T’AIME ANGELIQUE alias Blackly Gian, ma petite puce, une vraie géante ! Hulo