Ep. 154 Pourquoi la Silicon Valley n’aime pas les femmes avec François Pelletier

Le monde de la tech est tellement devenu un symbole du capitalisme patriarcal, qu’on a fini par oublier (ou nous faire oublier) que l’informatique a aussi compté de grandes femmes dans son histoire.

Pourtant sans Ada Lovelace, Margaret Hamilton ou encore Jean Bartik, je ne serais probablement pas en train d’écrire ces mots sur mon clavier de MacBook.

Selon Statistique Canada, seulement 18 % des professionnels de l’informatique sont des femmes, faisant de l’industrie technologie l’un des milieux qui exclut le plus les femmes.

Pour discuter des causes de cette exclusion et des conséquences qu’elle peut avoir sur le développement des technologies, je reçois aujourd’hui François Pelletier, expert en informatique durable qui milite pour une industrie technologique plus inclusive et plus éthique.

Dans cet épisode, on discute notamment de :

  • Ce qu’on entend par la bro culture dans la Silicon Valley
  • Comment l’histoire a peu à peu occulté le rôle des femmes dans le développement de l’informatique
  • Pourquoi les femmes sont aujourd’hui aussi peu représentées dans les milieux de la tech et peinent à être prises au sérieux en temps que CEO de boîtes tech
  • La ré-apparition progressive de femmes dans ce milieu et les réflexions qu’elles soulèvent en terme d’éthique
  • Comment certaines voix s’élèvent pour que l’industrie technologique revienne à un modèle plus humain et plus respectueux des ressources originelles

À écouter également : Ep. 63 Déployer notre leadership féminin avec Cathy Dumont

À propos de François Pelletier

François, c’est ton ami geek qui t’aide à utiliser la technologie de manière responsable dans ton entreprise. Passionné d’informatique libre et de respect de la vie privée, il apprécie les cookies dans son estomac bien plus que dans son navigateur web. Un pied dans le monde business et un autre dans le domaine académique, il aime travailler avec des équipes de recherche et développement et auprès de gens innovants et bienveillants. Sa méfiance envers les technos à la mode comme l’IA génératif et son sarcasme lui ont valu le surnom de GrinchGPT par Alexandra Martel.

La grande connaissance de François sur l’industrie technologique et ses fortes valeurs éthiques et féministes dévoilent une perspective de la tech peu considérée.

Ce parallèle entre faits historiques et conséquences sur ce qu’est devenu le monde informatique nous amène aussi à réfléchir sur notre place d’être humains dans un monde de plus en plus abstrait.

Mentionné dans cet épisode :

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Transcription de l’épisode 154

Ep. 154 Pourquoi la Silicon Valley n’aime pas les femmes avec François Pelletier

[00:00:00.090] – Tatiana St-Louis

Vous écoutez L’Ambition au Féminin, épisode 154 et aujourd’hui, je reçois comme invité François Pelletier qui va nous expliquer pourquoi la Silicon Valley n’aime pas les femmes.

[00:00:11.190] – Tatiana St-Louis

Mon nom est Tatiana St-Louis et j’anime L’Ambition au Féminin. Un podcast pour toutes les femmes pleines de vision, de talent et de drive qui désirent redéfinir le succès selon LEURS termes et LEURS conditions. Chaque semaine, j’explore, seule ou en présence d’invités, les thèmes entourant la réussite professionnelle et personnelle. Mindset, productivité, leadership, branding personnel… C’est LE rendez-vous pour réfléchir à la façon dont TU veux vivre ton plein potentiel et laisser ton empreinte dans le monde.

[00:00:46.160] – Tatiana St-Louis

Salut les ambitieuses ! Comment vous allez aujourd’hui ? Moi ça va super bien. En fait… Hauts et bas comme tout, j’ai eu une semaine assez… Dents de scie. D’un côté, j’ai eu mon premier refus à une de mes candidatures doctorales, donc j’avais pas process l’événement à ce moment-là, mais je réalise que peut-être j’aurais dû pour pouvoir passer à d’autres choses plus facilement. Bref… Je suis pas complètement par terre, mais bref, il y a eu comme plein de petites affaires comme ça cette semaine. En même temps, je suis super énergisée parce que je viens de donner mon atelier, ma masterclass sur Apprendre à danser avec le chaos entrepreneurial, qui est la masterclass dans le fond, où je présente tout le concept, tout le modèle de Autopoiesis et bon, à chaque fois que je vois aussi l’engouement des gens pour ce nouveau type d’entrepreneuriat, pour ce nouveau type de travail au niveau des stratégies d’affaires, ça me remplit de joie, ça me remplit d’énergie. Puis je suis un peu sur ce high là, entre les deux, entre trouver ça tough des fois et trouver ça tough d’être un lancement, mais aussi me sentir vraiment à ma place, puis me sentir vraiment en train de faire ce que je devrais être en train de faire puis bon.

[00:02:02.450] – Tatiana St-Louis

Et tu sais, ça tombe bien, parce que bon, vous avez probablement fait le lien avec plusieurs des thématiques qu’on adresse sur le podcast depuis quelques semaines. Je parle beaucoup de durabilité, je parle beaucoup de longévité entrepreneuriale, je parle beaucoup de bien-être ces temps-ci, de gestion de notre réalité d’entrepreneur, y compris de comment pas créer des entreprises traumatiques et pas répéter des modèles qu’on a vus peut-être sur le marché de l’emploi ou qui fonctionnent jusqu’à un certain degré dans des contextes plus oppressifs, exploitatifs, patriarcaux, et aujourd’hui, la discussion que je vais avoir avec mon invité François, ça s’en va aussi dans cette direction-là parce qu’on va parler d’un sujet peut-être plus précis, on va parler de technologie, on va parler de l’industrie de la tech, on va parler de comment elle a commencé à laisser de côté toute la tradition, ben la tradition, de laisser de côté la représentation des femmes, puis de devenir littéralement un milieu hostile pour les femmes, que ce soit en programmation ou dans le développement de start-up technologiques.

[00:03:25.010] – Tatiana St-Louis

C’est pas une statistique cachée, c’est quelque chose qui est réel, qui est documenté. C’est un monde particulièrement hostile pour les femmes, autant du point de vue de comment elles se font traiter, mais aussi de la représentation des femmes. Il n’y a pas beaucoup de femmes qui se font offrir des postes dans les milieux de la tech, qui étudient dans le monde de la tech et surtout si c’est une entreprise dirigée par une femme qui recherche du financement en tech, ça va être beaucoup plus difficile d’en obtenir, même si historiquement, il n’y a rien pour nous faire croire que, en fait, au contraire, tout nous porterait à croire que ce seraient des investissements beaucoup plus lucratifs pour les investisseurs. Mais bon. Donc c’est ça. Aujourd’hui, je reçois François Pelletier, que je connais depuis plusieurs années maintenant et j’adore son approche de la technologie parce que c’est une approche autant de vulgarisation, mais il est très conscientisé au contexte dans lequel sont développées certaines technologies et aussi les effets sociaux, économiques, psychologiques que ça peut avoir sur des populations, sur des communautés et surtout sur des communautés qui sont dans des milieux traditionnellement… Dans des contextes traditionnellement opprimés, puis on va parler des femmes, des personnes racisées ou des personnes avec des handicaps, etc, etc.

[00:04:52.640] – Tatiana St-Louis

Donc, qui est François Pelletier ? Bien, François, c’est notre ami geek qui nous aide à utiliser la technologie de manière responsable dans notre entreprise. Il est passionné d’informatique libre et de respect de la vie privée. Il apprécie les cookies dans son estomac bien plus que dans son navigateur web et il a un pied dans le monde du business et un autre dans le domaine académique. Ce qui nous rejoint aussi parce que pendant longtemps, j’avais travaillé dans une université. Lui, il travaille plus au niveau de la recherche et du développement, mais voilà. Et François, il aime travailler avec des équipes de recherche et développement auprès de gens innovants et bienveillants. Sa méfiance envers les technos à la mode comme l’IA génératif et son sarcasme lui a valu le surnom de Grinch GPT, selon notre chère Alexandra Martel. Et je me rappelle que quand on avait fait le festival web de création de contenu l’année passée, on avait fait un panel sur l’intelligence artificielle et il fallait qu’on amène François sur le panel parce que que serait un bon panel sans le Grinch GPT ?

[00:06:04.830] – Tatiana St-Louis

Donc j’ai vraiment hâte de vous présenter la perspective, parce que François est quelqu’un qui a énormément de connaissances et qui comprend aussi beaucoup des industries. Et c’est rare d’avoir quelqu’un qui comprend autant cette industrie-là, ces industries de la technologie, et en même temps qui a tellement de fortes valeurs éthiques, des fortes valeurs morales qu’il veut amener autant dans son entreprise et dans sa façon de faire des affaires que dans sa façon d’enseigner, dans sa façon d’utiliser aussi la technologie. Alors je vous laisse avec François et comme d’habitude, si vous avez des commentaires, des réflexions, n’hésitez pas à partager sur les réseaux sociaux et à nous tagguer moi et François pour qu’on continue la conversation avec vous.

[00:06:48.690] – Tatiana St-Louis

Salut François, bienvenue sur l’Ambition Féminin. Contente de te voir et recevoir aujourd’hui. Comment ça va ?

[00:06:56.280] – François Pelletier

Ça va super bien. Puis je vais en profiter pour te souhaiter bonne année.

[00:06:59.790] – Tatiana St-Louis

Ben oui, bonne année ! Je sais pas quand est-ce qu’on va diffuser cet épisode, mais on est encore dans les temps, les temps normaux pour souhaiter aux gens bonne année ! Alors je suis contente de t’inviter sur l’Ambition Féminin. Pis encore une fois, je le dis à chaque fois qu’il y a un homme sur le podcast parce que je pense que je suis en train de me convaincre moi-même aussi, mais pendant longtemps, j’ai hésité à avoir des hommes sur le podcast parce que je me disais « ok, ben c’est sûr que je peux trouver quelqu’un, tu sais, trouver une femme qui peut parler de cette thématique-là aussi, puis débattre et balancer un peu la représentation au niveau de ces conversations-là ». Mais, après ça, c’est sûr que pour moi c’est super intéressant aussi quand, pis là genre j’utilise pas souvent le terme allié, mais j’ai l’impression que c’est quelque chose qui s’y prête aujourd’hui. Il y a des hommes, tu sais qui prennent des sujets qui sont vraiment importants pour le féminisme, pour la lutte des femmes.

[00:08:01.610] – Tatiana St-Louis

Puis vraiment on parle d’une façon vraiment très nuancée, très très posée et avec beaucoup de faits et d’intelligence. Je trouve que c’est une de ces personnes qui démocratisent aussi beaucoup toutes les conversations autour de la tech et l’éthique, et puis l’intelligence artificielle et tout ça. Donc voilà, merci d’être sur le podcast, je pense qu’on va avoir une belle conversation.

[00:08:26.810] – François Pelletier

Ouais, ça fait plaisir. Je suis super content de faire partie et tu sais, je suis un grand fan de ton podcast.

[00:08:35.240] – Tatiana St-Louis

Génial ! Cool. Ben écoute, je fais une première mise en… Tu sais brise glace, puis j’avais envie de te poser la question de qu’est-ce que tu avais envie d’être quand tu étais petit ?

[00:08:51.370] – François Pelletier

Quand j’étais petit… Moi je viens d’une famille avec des gens qui sont beaucoup sur la construction, fait que mon père était électricien, il est retraité maintenant. Mon grand-père construisait des maisons, fait que c’était ça. J’ai grandi dans cet univers-là de construire. J’étais le petit gars qui avait des Lego, un Meccano, des Tonka dans le carré de sable et j’ai grandi dans cet univers-là, puis c’était vraiment… C’était ça ma première chose. En sixième, tu sais six/sept ans, en première année, tu commences à faire tes premiers exposés oraux à l’école, c’était de ça que je parlais.

[00:09:33.760] – Tatiana St-Louis

Waoh, okay, pis c’est intéressant aussi parce que c’est quand même un métier très genré aussi, la construction, il y a beaucoup plus d’hommes que de femmes qui sont là-dedans. Est-ce que pour toi il y a eu, je sais pas comment ça, comment ça s’est dissout un peu au fil du temps. Puis comment est-ce que tu es rentré dans la tech qui est quand même aussi un milieu de la construction jusqu’à un certain point, mais plus abstrait ?

[00:10:00.570] – François Pelletier

Comment je suis arrivé dans la tech ? Ça a commencé, j’étais en troisième année de primaire, puis ma prof à l’époque avait remarqué que j’étais un petit peu en avance des autres, un petit peu différent. Tu sais, ce genre d’élèves que les profs et les directeurs essayaient de faire passer skipper des années. Mes parents ont jamais vraiment voulu pour diverses raisons et c’est bien correct. Mais il y a une prof a dit « ok, toi tu vas rester après l’école, j’ai appelé ta mère ». Elle a dit je vais te montrer comment ça marche un ordinateur. J’avais huit ans, mais tu sais on n’avait pas d’ordi à la maison. Internet s’était pas encore rendu au Saguenay. Tu sais, on n’était pas là encore. Il y avait un ordi dans la classe, tu sais. Il y avait un ordi jaune dans le coin et c’était pour jouer à des jeux sur une disquette que la prof starter avant le cours. Mais non, elle a dit non, à toi, je vais te montrer comment ça marche ce bibitte là.

[00:10:58.680] – François Pelletier

Fait que ça a été vraiment ça le départ. Fait que je me suis toujours après ça, intéressé à ce qu’on pouvait faire avec ces machines-là qu’on avait à la bibliothèque, à l’école et dans la classe. Pis là mon cousin rentrait à l’université à ce moment-là, qui est plus âgé, et il y avait un Commodore 64. Puis il me l’a prêté pour que je m’amuse avec. Puis ça a été là que j’ai appris à coder.

[00:11:26.160] – Tatiana St-Louis

T’as-tu appris de façon plus autodidacte ou quelqu’un t’as comme mentoré là-dedans ? À part ta prof qui t’a montré comment utiliser un ordi.

[00:11:34.830] – François Pelletier

Euh non, pas tant. C’était très très autodidacte dans le sens que j’ai pris le manuel qui venait avec, il y avait un manuel qui venait avec le Commodore, puis je recopiais les programmes qu’il y avait dedans, tout simplement. J’ai appris ça. Après ça, quand on a eu un ordinateur à la maison, quand je suis rentré au secondaire un, j’ai appris à coder. Tu sais, dans Excel, tu pouvais coder des macros Visual Basic, des choses comme ça. J’ai appris ça pis c’est là-dessus que j’ai appris à programmer. Ça a été vraiment comme, disons, fin primaire, début secondaire que je me suis plus intéressé à ça. Puis c’était pas dans l’ambition d’en faire un métier ou quoi que ce soit, c’était pas… C’était juste un intérêt personnel, pis c’était une façon de m’occuper aussi.

[00:12:27.450] – Tatiana St-Louis

Intéressant. Puis ça, c’est revenu… Dans le fond, t’as étudié en actuariat, si je me trompe pas. Ça, ça a été tes études plus traditionnelles.

[00:12:36.420] – François Pelletier

Ouais, mes études. J’ai étudié, j’ai un bac, puis une maîtrise en actuariat, puis après ça, deux, trois ans après, quand j’étais dans mon emploi à temps plein, j’ai étudié l’intelligence artificielle, j’ai fait un certificat en intelligence artificielle, fait que ça, ça a été mon premier diplôme de tech, si on veut.

[00:12:56.100] – Tatiana St-Louis

Ouais, c’est intéressant aussi parce que c’est des domaines qui sont pas nécessairement… Ils sont connexes, mais ils « overlap » pas nécessairement tout le temps. Mais là maintenant, dans ton entreprise, tu les as vraiment fait se rencontrer avec tout ce qui est aussi réflexion éthique. Pis ça est-ce que c’était juste, encore une fois un intérêt personnel ou comment ça s’est développé ton intérêt pour tout ce qui est inclusivité, diversité, éthique au niveau de la technologie et tout ça ?

[00:13:32.770] – François Pelletier

Je vais te raconter une anecdote. Quand j’étais en cinquième primaire, donc j’avais… On a quoi, on a 11 ans en cinquième primaire. Moi, j’étais la bosse des maths. Fait que j’allais aux concours de mathématiques, Optimaths ces choses-là. Et au primaire, on est en équipe de deux à ces concours-là. Et habituellement, c’était lui qui a la meilleure note en maths, un gars, une fille, c’était ça. Là, cette année-là, parce que la fille qui était censée venir avec moi avait eu une retenue ou un truc comme ça. Fait qu’ils l’avaient enlevée, puis ils voulaient envoyer un autre gars à la place. Là, j’ai dit moi si c’est pas une autre fille qui vient avec, tu sais pour respecter ce qu’on faisait, bah j’y vais pas.

[00:14:21.030] – Tatiana St-Louis

Okay. Wow.

[00:14:21.510] – François Pelletier

J’avais 11 ans, j’ai dit non. J’ai dit… Tu sais, parce que les gars, on était quasiment tous bons en maths pis les filles étaient plus timides, c’était plus difficile de les avoir pour venir dans le concours. J’ai dit non. J’ai dit non, elle va venir. J’ai dit elle est bonne. Pis je lui ai dit on travaille bien ensemble. Pis on s’est pratiqué ensemble. Puis j’ai dit je veux quand même. Pis elle est venue.

[00:14:44.820] – Tatiana St-Louis

Nice. C’est ta première lutte, ta première lutte pour l’égalité au niveau des genres.

[00:14:54.110] – François Pelletier

Oui, ben tu sais, je voyais qu’il fallait donner l’opportunité justement à ce niveau-là… Quand même jeune parce que je voyais justement le bassin de gens qui s’intéressaient aux concours. Ben tu sais, c’était très masculin là.

[00:15:13.460] – Tatiana St-Louis

Ouais pis j’imagine en actuariat aussi. Est-ce que c’était majoritairement des gars qui étudiaient là-dedans ?

[00:15:21.920] – François Pelletier

Non, pas tant parce qu’il y a quand même un côté très business. C’est pas… C’est un métier qui est aussi rattaché au monde de la gestion, beaucoup parce que les actuariats sont souvent vus comme des gestionnaires dans le monde des assurances. Je dirais c’était peut-être un tiers, deux tiers, un tiers d’affaires, deux tiers… Moi, je considère qu’en science un tiers, deux tiers, le problème est plus vraiment là, là, si on veut arrêter. Par rapport à quand j’ai fait mon certificat en informatique après donc que j’ai terminé, juste avant la covid, c’est comme 2016 à 2019 que j’ai fait ça. Quand j’ai commencé, c’était pas encore à la mode, fait qu’on était dans les petites classes, on était quinze, puis sur quinze, je devais avoir trois femmes sur quinze. L’affaire, c’est que c’est devenu à la mode, fait qu’en 2019 on était dans une classe de 100 et il y avait toujours trois femmes

[00:16:20.340] – Tatiana St-Louis

Ah ouais, ok.

[00:16:22.230] – François Pelletier

C’est comme ça que je le vois. C’est que le nombre de femmes qui étaient là avant que le biais arrive n’a pas changé en absolu. Et la proportion de femmes quand un domaine devient populaire, la proportion de femmes diminue énormément. Ça c’est mon expression à moi là du marché. La façon que les modes arrivent, tu sais l’intelligence artificielle a été une, on s’entend, il y a eu un effet de mode énorme au Québec et c’est ça que j’ai vu. Quand il y a un effet de mode dans le monde de la techno, c’est pas ça qui va attirer des femmes.

[00:16:59.740] – Tatiana St-Louis

Ah oui ? Peux-tu m’en dire un petit peu plus comme qu’est-ce que tu penses qui se passe au niveau de la répulsivité peut-être de ce type de modes-là. Parce que l’autre fois je parlais, et je pensais qu’on allait peut-être arriver à cette question un peu à la fin, mais je trouve qu’elle fait du sens ici, tu sais, je parlais à une rédactrice, puis on disait il y a eu comme ce même type d’effet de mode aussi au niveau des métiers de la rédaction où il y a, selon mon observation encore, j’ai pas regardé des chiffres, mais proportionnellement plus de femmes qui sont dans, tu sais, dans ces métiers de communication, puis de copywriting, puis de tout ça, puis tu sais, je me dis est-ce que, tu sais quand est-ce que selon toi, puis encore on discute là, il y a ce, tu sais, ce biais de genre qui s’installe dans des disciplines.

[00:17:53.830] – François Pelletier

Ah ben ça c’est déjà quelque chose que je dirais qui est antérieur à ce que moi j’ai vécu comme l’arrivée de l’effet de mode de l’intelligence artificielle. Parce que les gens qui s’inscrivaient au programme dans lequel j’étais, qui était un certificat, c’est des gens qui étaient déjà sur le marché de l’emploi. Et la plupart des gens qui sont inscrits étaient des gens qui avaient par exemple, un bac en informatique ou une technique au cégep en informatique qui, est très, très, très majoritairement masculin. Donc ces gens-là qui allaient chercher un perfectionnement, il fallait déjà qui est la base, parce qu’il fallait que tu ailles en préalable équivalent à un bac en informatique pour t’inscrire. Moi, j’ai été reconnue par équivalence et c’est ça, il fallait que tu ailles au préalable déjà. Fait que tu pouvais pas… Tu sais, tu peux pas inventer des femmes avec un diplôme quand ils l’ont pas fait là. Ça c’est une chose aussi que tu peux pas régler le problème par la fin. Tu sais quand tu parles d’inégalités de genre dans un programme, une fois que t’es rendu à la maîtrise et au doctorat, tu peux pas inventer des finissants au bac-là.

[00:18:49.000] – Tatiana St-Louis

Ouais.

[00:18:50.320] – François Pelletier

C’est ça, je le vois des fois, on va augmenter le nombre d’étudiants au cycle supérieur dans un domaine. Ouais, ben tu sais, il y a tous les préalables pour te rendre là qu’il faut que tu travailles avant, là.

[00:19:01.800] – Tatiana St-Louis

Ouais pis là on peut avoir des longues conversations sur l’école pis comment l’éducation nous entraîne à penser qu’on est bonnes en français, nous les filles, puis les gars sont bons en maths et qu’y a cette distinction entre nos deux cerveaux et notre façon de comprendre le monde. En tout cas, on va pas s’embarquer là-dedans, on va plus embarquer peut-être…

[00:19:25.590] – François Pelletier

Si tu connais pas le domaine… J’ai pas ce genre d’informations là sur au primaire ou secondaire, j’ai aucune idée, mais à mon avis c’est faux-là.

[00:19:37.660] – Tatiana St-Louis

Ouais, c’est intéressant. Je suis en train de lire un livre qui s’appelle The Master and His Emissary et c’est sur le cerveau droit et le cerveau gauche. C’est un psychiatre qui a écrit un livre là-dessus et de comment notre vision du monde a été influencée par ce qu’on considère être une priorité du cerveau droit versus cerveau gauche, puis que le cerveau gauche avec la rationalité, tout ça qui est comme beaucoup plus lié à ce qu’on considérait être le point de vue occidental patriarcal, a comme été genre tu sais comme vraiment plus encouragé, puis que ça a créé différentes façons d’expérimenter le monde, même au niveau philosophique. Anyway, grosse aparté, mais tout ça pour dire que je trouve que c’est intéressant quand même de réfléchir au moment où, en tant que femme ou en tant qu’homme, tu sais, on est, on est mis dans des cases intellectuelles quand on a certaines aptitudes qui sont plus naturelles pour nous. Alors que techniquement, il n’y a pas de recherches ou de recherches concluantes qui montrent qu’une femme serait fondamentalement moins apte à réussir en sciences ou en mathématiques ou dans ces domaines-là.

[00:21:02.830] – Tatiana St-Louis

Pis là, ça nous mène justement à la conversation qu’on voulait avoir aujourd’hui, au niveau de, quand est-ce que, tu sais, le monde de la tech, puis la Silicon Valley, puis tout ça genre, est devenu particulièrement masculin. Alors que dans l’histoire de la programmation et de la tech, il y a quand même eu beaucoup de femmes. Puis elles ont été, tu sais, petit à petit effacées jusqu’à ce qu’on ne les voit plus représentées. Premièrement, décrivant ce qu’est un tech bro, puis ce qu’on entend par la bro culture dans la Silicon Valley ? Toi, as-tu comme une définition que tu aimes, à laquelle tu aimes te reposer ?

[00:21:44.960] – François Pelletier

Ben moi ce que je vois comme le tech bro est quelqu’un qui est dans l’hyperbole, qui est dans l’exagération des capacités de la technologie pour résoudre des problèmes, si on veut de la société, mais disons les problèmes qui intéressent principalement l’homme blanc assez fortuné de Californie, là. Donc, il y a une vision du monde qui s’est installée dans cet écosystème-là, qui nage dans l’argent, littéralement, là, et qui, eux, ont décidé c’étaient quoi les problèmes sur la planète à régler et développent des technologies en se disant « Ben, cette technologie-là va servir à régler des problèmes. Je ne sais pas encore lesquels ça va régler, mais c’est tellement hot ce que j’ai développé que ça va régler des problèmes sur la planète ». Donc ça s’appelle aussi techno solutionnisme, le terme comme plus scientifique pour décrire ce phénomène-là de « je développe des technologies et après ça, j’essaie de trouver de quoi faire avec. »

[00:22:58.670] – Tatiana St-Louis

Comme quoi ? Si tu donnais un exemple d’une technologie qui a été développée justement dans cette optique-là.

[00:23:05.580] – François Pelletier

Avec la technologie est née avant de trouver des problèmes à régler avec, je crois que c’est la blockchain. À un moment donné, il y a une entité qui a écrit un article scientifique qui décrit le principe de créer une monnaie avec la blockchain. Je dis entité parce qu’on ne sait pas c’est qui qui a inventé le bitcoin. C’est une entité qui s’appelle Satoshi Nakamoto, mais on ne sait pas c’est qui. C’est une personne ou un groupe de personnes, on n’a aucune information là-dessus, qui a publié un article scientifique décrivant ce qu’est devenu le bitcoin ou la crypto monnaie. Ça c’était juste après la crise financière de 2008. Et après ça, ce qui est arrivé, c’est que le monde de la tech s’est dit « OK, cette technologie-là est révolutionnaire, quels problèmes on peut régler ? » Et là on réglait le changement climatique, les inégalités sociales, les problèmes d’inflation, le capitalisme. On réglait tout. Avec une blockchain qui est une structure de base de données, c’est une sorte de base de données.

[00:24:16.050] – François Pelletier

Il y a différentes technologies pour stocker des données dans les ordinateurs et se les partager entre nous. C’en est une, c’est une nouvelle, elle a des propriétés intéressantes. Mais là, il y avait l’aura de magie autour de cette technologie-là qui… Moi, quand je vois quelqu’un qui a cette aura magique autour d’une technologie, d’un bout de code, c’est ça pour moi un tech bro.

[00:24:40.290] – Tatiana St-Louis

Okay ? Donc dans le fond, même si cette entité, elle est pas nécessairement genrée parce qu’on a aucune idée qui est à la source de ça, tu la rentrerais dans tech bro, parce que… Ben parce que c’est ça que je trouve intéressant dans ce que tu dis, c’est à quelque part le problème…

[00:24:55.630] – François Pelletier

C’est pas l’entité qui a écrit l’article scientifique en question, les gens qui vont sur le stage pour vanter cet article-là, c’est eux les tech bro.

[00:25:06.280] – Tatiana St-Louis

Okay, puis après ça, ils l’utilisent pour solutionner des problèmes qu’eux ils perçoivent, par exemple dans leur start-up genre californienne qui cherche à augmenter la croissance puis à obtenir du venture capital. Exemple.

[00:25:23.230] – François Pelletier

Exactement. Exactement. Ça devient un argument. Quand la blockchain est arrivée là, le nombre d’entreprises qui ont mis blockchain sur leur site web a explosé. Il y a même des entreprises qui se sont enregistrées à la Bourse avec le nom blockchain pour avoir du capital. Tu sais les nouvelles entreprises, les nouvelles start-up, un moment donné est arrivé le metaverse, le web 3.0. Il y a eu cette vague-là. Ce n’est pas que la technologie en soit en arrière et est inutile ou est mauvaise. La technologie en soit, on fait ce qu’on veut avec. Mais c’est l’idée de l’hyperbole de construire quelque chose de gigantesque autour d’une technologie alors qu’on sait pas encore vraiment à quoi ça va servir.

[00:26:11.400] – Tatiana St-Louis

Ouais pis je pense que tu sais dans cette bro culture, tu me diras si  c’est le cas ou non, il y a le fait qu’il y a comme justement un écosystème qui se crée, qui est particulièrement blanc, riche, occidental, et tu sais dans une certaine strate sociale de la population, puis ensuite ils s’encouragent tous ensemble à faire, à valuer ou à augmenter la valuation de certaines technologies sans nécessairement… Tu sais juste sur la base que cette technologie est entre guillemets « révolutionnaire ». Puis là, ça crée cette espèce de bulle d’intérêt, puis après ça, de capital qui est échangé entre eux, puis ils s’enrichissent entre eux. Puis là genre, ils créent d’autres affaires qui sont… Fait que dans le fond, quand on parle de bro culture dans la Silicon Valley, est-ce que tu la décrirais un peu comme ça ?

[00:27:04.360] – François Pelletier

Oui, c’est un… Justement, c’est un écosystème qui s’est construit, depuis les années 70 environ, très très majoritairement masculin. Au départ, c’est commencé avec les puces informatiques. La première entreprise de Silicon Valley, ça s’appelle comme ça, c’est les processeurs Intel dans les ordinateurs. Ça a été la première compagnie qui a été financée avec ce qu’on appelle aujourd’hui du venture capital. Donc, c’était nouveau à l’époque, ce modèle-là de dire on va financer une entreprise pour qu’elle développe des puces informatiques à ce moment-là. Donc, on n’était pas encore dans le logiciel, on était dans le matériel, mais c’est ça, c’est des gens qui avaient beaucoup d’argent entre les mains, qui avaient réussi à New York, à Wall Street et qui se sont dit « Je vais encourager des petits gars avec leur projet ». Ça a commencé comme ça. Mais l’affaire, c’est que ces gens-là se sont mis à… Dès qu’ils n’étaient plus d’accord avec le boss, ils partaient leur propre compagnie concurrente. Donc là, c’est comme ça que l’écosystème de Silicon Valley s’est bâti à partir de tous les mêmes fondateurs qui se concurrençaient à quelque part l’un l’autre. Mais l’argent venait toute de la même place.

[00:28:15.310] – Tatiana St-Louis

Les mêmes Venture Capital… Puis encore une fois, les bros de Wall Street.

[00:28:22.680] – François Pelletier

Ouais, à l’époque c’est ça… Qui ont pris le train pour aller dans l’Ouest et dire « ok, on va commencer à neuf, loin du corporatisme newyorkais ». De East Coast là, je connais des entreprises plus traditionnelles comme IBM, les centres de recherche de AT&T, qui étaient les places où ont été inventées quelque part les composants électroniques. Tout ça, ça part de la côte Est. Mais là, ils se sont dit on va se séparer du monde corporatiste de cravate de New York et on va s’en aller dans le désert. Essentiellement là, la Silicon Valley était pas un endroit super habité. Il y avait des vignobles, des choses comme ça. Puis il y avait Stanford et l’université qui était rurale à l’époque. C’est un milieu rural, essentiellement. Puis là, ils sont allés s’installer là parce que, ben, il fait beau tout le temps, il y a des hippies, c’est le party, c’est le fun, on va aller là.

[00:29:14.360] – François Pelletier

C’est dérivé de la culture hippie au départ, cet écosystème-là qui s’est bâti justement parce qu’il y avait l’aspect de liberté. C’est ça aussi, quelque part, la start up, il y a un aspect très libertarien aussi en arrière de ça, on n’aime pas le gouvernement, la centralisation et autre qui est quelque chose d’intéressant. C’est un phénomène intéressant, mais ce phénomène-là a créé un univers très, très masculinisé.

[00:29:42.200] – Tatiana St-Louis

Ouais pis c’est ça. Pis pourquoi dans le fond, tu sais comme qu’est-ce qui est arrivé pour que les femmes soient pas… Parce que je veux dire à quelque part le milieu hippie, les révolutions, tu sais, les modes de vie alternatifs, ça a pas nécessairement attiré juste des hommes. Fait que qu’est-ce qu’il a fait pour que les femmes soient vraiment exclues de cette avancée ou de cet eldorado de l’Ouest ?

[00:30:11.000] – François Pelletier

Ben le fait que ça commence avec le matériel informatique, ça c’est important parce que dès le départ, la part des femmes dans le domaine de l’informatique était le code. Les premiers programmes informatiques ont été écrits dans les années 1800 par Ada Lovelace qui était la femme ou l’amoureuse ou peu importe, de Charles Babbage. Puis elle était la fille de Lord Byron qui est un poète, un marginal.

[00:30:41.030] – Tatiana St-Louis

Ouais, c’est très cool comme histoire.

[00:30:43.700] – François Pelletier

Puis ils se sont jamais vraiment connus, mais elle savait que « mon père,  c’est un poète rebelle et tout ça ». Et elle a grandi en se disant  « l’informatique, c’est la jonction entre les mathématiques et l’art ».

[00:30:58.640] – Tatiana St-Louis

Intéressant.

[00:31:01.070] – François Pelletier

L’idée de créer, d’écrire des programmes informatiques, à l’époque, c’était juste, ben la machine avec des engrenages que son conjoint Charles Babbage, rêvait de créer et qui en a créé des versions plus petites si on veut, ça a jamais été terminé de son vivant, elle, elle écrivait des programmes qui pouvaient rouler sur cette machine-là. Donc elle annotait des textes, essentiellement qui étaient écrits par lui, mais ces notes de bas de page sont devenues tellement grosses que c’est devenu les fondements de l’informatique.

[00:31:30.140] – Tatiana St-Louis

Oh wow ! Ok, je connaissais pas tous ces détails, c’est vraiment intéressant. Bon donc oui, tu sais comme c’est… Oui, vas-y, continue. Parce que je pense, je me rappelle pas le film que j’ai vu là, ceux qui ont envoyé… Non, je vais même pas le dire parce que genre je suis trop… Mais je sais qu’il y a des femmes programmatrices qui travaillaient pour la NASA pis qui ont fait vraiment une grosse job de bras.

[00:31:52.190] – François Pelletier

Margaret Hamilton qui a écrit tous les programmes pour Apollo.

[00:31:56.090] – Tatiana St-Louis

Oui, c’est ça. Exactement. Exactement.

[00:31:58.430] – François Pelletier

Elle était dans une pièce avec des boîtes et des boîtes jusqu’au plafond de cartes perforées. Et ça, c’est le programme qui est allé sur la Lune.

[00:32:06.460] – Tatiana St-Louis

Ouais pis ça implique quand même un gros niveau de risque. Je veux dire, il fallait qu’elle soit… Il fallait lui faire confiance. C’est ça genre qu’est-ce qui est arrivé avec toute cette lignée genre de femmes qui étaient quand même assez présentes dans le milieu de, tu sais, dans les balbutiements de l’informatique, puis ensuite dans des grands projets, tu sais… C’est quand il y a eu comme le shift ?

[00:32:32.650] – François Pelletier

Juste avant d’arriver au shift, le shift c’était un petit peu après la Lune. Mais là, il y a un chemin entre Ada Lovelace et aller sur la Lune. Pis c’est là que…

[00:32:42.700] – Tatiana St-Louis

Je veux l’entendre.

[00:32:43.930] – François Pelletier

Ouais, le twist, ça passe tout de suite après la deuxième guerre mondiale. Pendant la Deuxième Guerre mondiale, l’ordinateur tel qu’on le connaît aujourd’hui a été créé pour calculer les trajectoires de missiles, donc de la balistique, faire des calculs balistiques et des calculs mathématiques complexes qui étaient faits auparavant par ce qui s’appelle des calculatrices, donc qui étaient des femmes qui avaient des tables de calculs pis des genres de gros livres pis qui allaient chercher des calculs préfaits, pis qui essentiellement calculaient pour chaque missile les trajectoires à la main. Donc c’était vraiment… Ces femmes-là s’appelaient des calculatrices. Et certaines de ces femmes-là qui se démarquaient parmi le groupe par leur vitesse ou leurs performances et autres, ont été invitées à implémenter leurs méthodes  qu’elles ont développé comme calculatrices dans les premiers ordinateurs, dont un qui s’appelle l’ENIAC, qui a été développé en Pennsylvanie à l’Université de Pennsylvanie. Et les femmes ont programmé l’ordinateur. Dans le fond, les hommes construisaient le matériel, donc les pièces physiques, faisaient la soudure, toutes ces choses là…

[00:33:52.300] – François Pelletier

Pis les femmes rentraient, les programmes de ceux qui étaient sur des rubans magnétiques ou les technologies de l’époque qui étaient des tubes en verre, des choses comme ça. Et ce qui est arrivé, c’est que lorsque l’ENIAC a été présenté au public, les femmes qui ont programmé l’ordinateur n’ont pas été invitées à l’événement officiel parce que les gens qui organisaient l’événement croyaient qu’elles avaient été ajoutées sur les photos comme mannequins pour faire de la vente.

[00:34:26.610] – Tatiana St-Louis

Wow !

[00:34:30.450] – François Pelletier

C’est cet événement-là qui… Où est-ce que l’ordinateur, le premier ordinateur, a été présenté à l’armée, aux grands scientifiques, aux financiers, ben, c’était un gros meeting de gars. Il n’y avait pas de femmes. Parce que les femmes qui ont programmé l’ordinateur n’ont pas été invitées.

[00:34:48.210] – Tatiana St-Louis

Wow, ça c’est tellement un exemple de effacement historique genre littéral, comme remettre dans l’inconscient tout le travail que les femmes ont amené.

[00:34:59.760] – François Pelletier

Exact, la croyance était carrément que les femmes qui étaient sur les photos avaient été invitées comme mannequins pour la vente. Et ce qui fait que là, les femmes ont continué à faire un travail vraiment de programmation d’ordinateur parce que c’est elles qui avaient l’expertise. Jusqu’aux années 60, les gens qui savaient programmer des ordinateurs, c’était majoritairement des femmes.

[00:35:28.690] – François Pelletier

Fait que c’est elles qui ont inventé les premiers compilateurs pour compiler des programmes écrits en langage, en anglais, vers du langage informatique. Dans les langages de programmation qu’on connaît encore aujourd’hui, qui roule dans les banques comme le Cobol, ça a été principalement développé par des femmes. Et est arrivé l’événement qui a fait que les femmes ont essentiellement disparu du domaine de l’informatique. C’est quand le code, le système d’exploitation qu’on met sur un ordinateur pour le faire fonctionner, c’est devenu cool, essentiellement. Et ça, c’est arrivé avec Bill Gates et Steve Jobs. Donc Microsoft et Apple. Lorsque eux sont arrivés en disant « Ben, ce qui est important pour l’ordinateur, ce n’est plus le matériel, on sait comment en  fabriquer parce que nos amis chez Intel, ils ont développé le microprocesseur, puis ils en font des caisses. Fait que c’est facile à avoir, c’est plus un problème. On sait comment faire des microprocesseurs, ce problème-là est réglé et on sait que ça va toujours s’améliorer parce qu’il y a ce qu’on appelle la loi de Moore ».

[00:36:38.310] – François Pelletier

Moore, c’est un des développeurs qui a inventé… Un chercheur qui a inventé le microprocesseur, qui a dit « La puissance va doubler tous les deux ans ». Va croître exponentiellement, fait que c’est réglé. Pis ça c’est prouvé être vrai jusqu’en 2010 qui est quand même vraiment impressionnant.

[00:36:56.950] – François Pelletier

Mais là, le problème de créer et faire des ordinateurs, s’était industrialisé, c’était réglé. Donc maintenant, on voulait avoir des logiciels sur les ordinateurs. Et c’est là que Bill Gates est arrivé en créant Microsoft et le langage Basic en disant « ben moi je vais créer un logiciel qu’on peut installer sur tous les modèles d’ordinateurs ». Parce qu’avant, chaque ordinateur avait son propre logiciel. Il a dit « Moi, je vais faire un logiciel qui marche partout ». Puis Steve Jobs de son côté, avec Steve Wozniak qui était son ami geek développeur, qui était un peu plus dans l’ombre de Apple, s’est dit « Moi je vais vendre un système tout-en-un ». C’est comme tu l’achètes tu le branches dans le courant, ça marche. Ça, c’est Apple. C’est encore la philosophie aujourd’hui, de dire « tu achètes un ordinateur, puis tout est installé dessus, il est prêt à utiliser ». Microsoft, lui c’était « je vais faire un logiciel qui marche sur tous les ordinateurs ». Donc il a essentiellement pris le marché des systèmes d’exploitation en faisant ça. Fait que là, c’est là que le monde s’est dit « Ok l’argent est pas dans le matériel ». C’est devenu un bien de commodité. Il y a une marge de profit de 10-15 %. Donc les venture capital, ça les intéressait plus.

[00:37:57.480] – François Pelletier

Ils se sont mis à investir massivement dans les logiciels, l’apparition des tableurs, le traitement de texte, toutes ces choses-là. Et c’est là que les gens qui étaient dans l’industrie du matériel, les créateurs, les inventeurs, se sont dirigés vers le logiciel et c’étaient majoritairement des hommes. C’est à ce moment-là que, même dans l’histoire, les noms des femmes qui ont contribué, on les retient moins. C’est pas qu’il y en a plus. C’est juste qu’elles se fondent dans la masse à quelque part, où est-ce que les hommes ont toujours été mis de l’avant dans le marketing de ces produits-là.

[00:38:43.250] – Tatiana St-Louis

Ouais pis ce que j’entends aussi de ce que tu racontes, c’est vraiment une histoire fascinante, c’est que c’est le moment où ça a été vraiment commercialisé pour le public et là le genre, le lien avec les Venture capital, les bureaux de Wall Street qui étaient comme « on préfère donner de l’argent à nos chummy qui nous ressemblent plutôt que… Comme faire confiance entre guillemets à des femmes ». Pis ça reste encore un problème vraiment vraiment important que les entreprises dirigées par des femmes, même s’il y a la preuve qu’elles sont plus rentables, plus rapidement et de façon plus durable au niveau de leur start-up et tout ça, sont comme… Représentent comme genre, moins de 10 % de tout l’argent qui est comme investi par les venture capital. Tu sais, je pense que le lien… Selon ce que je comprends encore une fois, j’ai pas lu extensivement là-dessus, mais il y a un lien direct entre le moment où ça a été commercialisé et le sérieux qu’on doit leur donner pour avoir de l’argent pis vraiment être développé de tout.

[00:39:55.820] – François Pelletier

Aujourd’hui sur un board, si c’est un board avec une femme qui est founder et qu’il y a pas d’autres hommes autour, c’est 1 % du venture capital. Si la femme est accompagnée d’un homme, lorsqu’elle va présenter au venture capital, le montant d’argent qui est alloué à ces entreprises-là, je pense que c’est dix ou quinze fois plus élevé. Juste parce qu’elle a amené un homme avec elle.

[00:40:28.190] – Tatiana St-Louis

Son cousin !

[00:40:28.430] – François Pelletier

Elle a amené un autre, un employé ou un autre fondateur. Mais c’est ça, on le voit et c’est énorme. Ce biais-là arrive du fait souvent qu’il n’y a pas d’historique. Fait que ça, c’est la justification rationnelle. La justification sociale et tout autre chose fait qu’il y a toute l’aspect de, justement, qui s’est créé une culture autour des hommes. Puis les hommes sont les innovateurs, puis les femmes font plus le travail clérical en arrière de la business, parce que le travail de programmation, au départ, on s’entend, c’est un travail très clérical. C’est que t’avais du code, puis il fallait que tu tapes sur des cartes perforées avec des genres de dactylo qui font des trous, fait que c’était très très clérical.

[00:41:16.700] – François Pelletier

Ça ressemblait à un travail de secrétariat plus qu’un travail d’innovation d’un point de vue extérieur, de quelqu’un qui arrive dans la salle où t’as un paquet de femmes qui sont en train de taper sur des dactylos, tu dis « ok, c’est du clérical », mais non, c’est comme ils sont en train de créer des programmes. La vision, la vision a été de « les femmes font le travail clérical dans le monde de la tech » et c’est les hommes qui sont les inventeurs. Donc les innovateurs, les inventeurs, c’est les hommes. C’était la vision, pis c’est resté parce que la finance investit avec son… Pis ça c’est mon côté actuariat justement que je comprends comment ça marche. Ils se bâtissent un historique de ce qui a marché, pis quand tu connais pas ça, ben soit que tu oses ou tu te dis « ok, ben je vais rester dans ma zone de confort avec mes investissements parce que je sais que c’est déjà risqué, parce que c’est du venture. Est-ce que je veux faire du venture encore plus risqué en allant vers une population que je connais pas, qui peut-être les femmes, qui peut-être les populations racisées et autre marginalité ? Est-ce que j’ose aller là-dedans encore plus ? »

[00:42:17.090] – François Pelletier

Ou je sais que j’ai déjà disons que 3 ou 4 % de chances de succès en investissant dans une entreprise avec des hommes blancs, à quelque part.

[00:42:36.490] – Tatiana St-Louis

Ouais, pis aussi qui ont des intérêts semblables, tu sais à quelque part, c’est ça, c’est de la sécurité pour eux, comme tu dis, de gérer leurs risques de cette façon. Peu importe, quand on commence à chercher dans l’histoire, qu’est-ce qui va ressortir ou non, il y a quand même quelque chose d’extrêmement viscéral de dire, je vais investir dans quelqu’un que je sais, va avoir à cœur mes intérêts, entre guillemets.

[00:43:02.350] – François Pelletier

Puis là, il y a toute une philosophie qui s’est bâtie au fil des années, qui est une idéologie qui, je crois, on pourrait dire prophétisée, pis je sais pas si c’est le bon terme, qui a été prophétisée par Elon Musk aujourd’hui, là. Qui est la personne qui va dans l’espace puis qui crée des voitures électriques qui ont l’air high tech, qui ont l’air science-fiction, qui va régler le problème de la circulation en creusant des tunnels sous les villes pour faire des autoroutes. Tu sais… Pis qui a acheté Twitter aussi, puis… Je me lance pas là-dedans, mais tu sais c’est bizarre…

[00:43:46.780] – Tatiana St-Louis

C’est vraiment intéressant parce que je pense que si on faisait un autre épisode sur la science-fiction écrite par des femmes versus la science-fiction écrite par des hommes, il y aurait genre vraiment des différences intéressantes à mettre en parallèle avec comment la tech et les investissements tech sont en train de se développer. Mais bon… Idée de sujet.

[00:44:08.860] – François Pelletier

Faudra tu me passes des suggestions de lecture-là, parce que moi à la base je connais pas beaucoup la science-fiction écrite par les femmes.

[00:44:14.860] – Tatiana St-Louis

Ouais, c’est vraiment intéressant. C’est vraiment un milieu fascinant. Mais ça amène justement à ma prochaine question qui est comme « c’est quoi, tu sais, c’est quoi le danger justement d’avoir effacé les femmes, ou du moins les effets, je veux pas dire les dangers, mais les effets que ça a eu sur les avancements, prenons en intelligence artificielle ou certains autres développements technologiques ? Puis pourquoi dans dans ta vision, c’est important de rebalancer un peu ce milieu-là, parce qu’il y a quand même des idéologies et des visions du monde qui sont différentes et qui doivent se manifester aussi dans la façon dont on s’est développé ?

[00:44:58.570] – François Pelletier

Oui, puis je dirais l’élément qui symbolise le plus ce qui dérange à quelque part et ce qui a dérivé, c’est le premier slogan de Facebook qui était « Move fast and break things ».

[00:45:20.080] – François Pelletier

À quelque part, oui, il y a quelque chose de très proche de l’entrepreneuriat où on se dit « ok, il faut essayer des choses, puis on a le droit à l’erreur et tout ça ». Mais eux ont tellement été loin dans le droit à l’erreur, qui se sont dit « ben même les droits humains, c’est pas important ». La technologie qu’on développe va tellement changer le monde d’une façon importante que c’est pas grave si on passe par dessus les droits humains pour la créer.

[00:45:47.050] – François Pelletier

Pis ça c’est le problème qui a amené, qui a ramené, je dirais, des femmes proches de la technologie qui sont venues du droit. Il y a beaucoup de femmes en technologie maintenant qui sont venues du droit en se disant « Oui, mais on a des droits humains, on a… Les causes justement de non-discrimination. Il y a le mouvement aux États-Unis depuis Black Lives Matter… Aujourd’hui, on a tout ce qui se passe en Israël avec la Palestine, le conflit armé. C’est toutes ces choses-là qui se sont dit « Okay, en arrière de tous les conflits qu’on a aujourd’hui, la destruction de la planète par l’extraction massive de ressources premières, s’est drivée par la technologie ». Le besoin de croissance qui existait dans les entreprises qui vient du capitalisme a jamais été aussi rapide qu’avec la technologie qui, aujourd’hui, si tu regardes, c’est quoi les entreprises qui valent le plus cher sur le marché à la bourse, c’est toutes des entreprises technos. Maintenant ce n’est plus le pétrole, c’est plus les voitures.

[00:46:56.440] – François Pelletier

Je pense juste Tesla qui dit qu’ils vendent des ordinateurs avec des roues vaut plus que Ford et tous les autres ensemble. Il y a tout cet univers-là qui a ramené les femmes en se disant « Faut bien utiliser cette technologie-là pour éviter que ça fasse comme à quelque part la bombe nucléaire qui vient des théories d’Einstein ou la dynamite qui est venue d’Alfred Nobel ». Puis Alfred Nobel a justement créé le prix Nobel de la paix en disant « j’ai inventé un truc qui peut détruire la planète, qui est la dynamite, mais moi, je veux que ça serve pour faire des mines pis péter des embarques au printemps, je veux pas que ça serve à créer des armes ». Fait qu’il a créé les prix de la paix. Pis je pense que c’est ce mouvement-là de dire « la technologie qu’on crée est duale, donc elle peut servir à faire le bien et peut servir à faire le mal », qui a amené tous les gens de l’éthique et du droit à s’intéresser à la technologie et éventuellement à imprégner le domaine de la technologie.

[00:48:03.630] – François Pelletier

Ça a créé un nouveau mouvement qu’on appelle le AI Ethics, donc l’éthique dans la technologie, l’éthique dans l’intelligence artificielle, qui est principalement leadée par des femmes aujourd’hui.

[00:48:18.650] – Tatiana St-Louis

Ah ouais, je savais pas que c’était dirigé en majorité par des femmes.

[00:48:23.120] – François Pelletier

C’est quand même majoritairement féminin. Et les entreprises, pendant les dernières années, se sont mis à créer des départements d’éthique à l’interne, justement pour bien paraître. Tout ça parce que les entreprises sont conscientes de ce problème-là et ça c’est un enjeu de relations publiques et d’image, à quelque part. Leur marque, pis tu sais, toi, c’est c’est ta vie, les marques, créer une marque qui est durable et tout ça, c’est ce qui t’anime, mais leurs marques étaient entachées par des scandales de nature sexuelle, des scandales au niveau de la guerre, au niveau de l’égalité sociale, tout ça. Et là, ils se sont dit « on va se créer des équipes à l’interne, de diversité inclusion, puis d’éthique en intelligence et tout ça ». Et lorsqu’arrive le moment de faire des mises à pied massives comme il y a eu dans les deux dernières années, ben c’est ces équipes-là qui prennent le bord en premier.

[00:49:20.570] – Tatiana St-Louis

C’est clair, parce qu’ils n’ont pas de retour sur investissement, ils sont un trou sur le bilan de fin d’année, dans le fond. Autre que la réputation qui est abstraite, ils amènent rien d’autre que d’être une dépense. C’est ça exactement.

[00:49:35.870] – François Pelletier

C’est un peu ce qui est arrivé, pis c’est ce qui a créé tout ce mouvement là autour de ça. On n’est plus dans les entreprises pour le faire. Maintenant, on va y aller du côté législatif. Donc on va essayer d’avoir des lois pour encadrer ça. C’est ce qui a mené au RGPD en Europe. C’est ce qui a mené à notre loi 25 au Québec. En Californie, il y a la loi CCPA aussi, qui est une loi quand même assez stricte sur la donnée. Donc, ça, ce sont des lois qui sont apparues justement avec ce mouvement-là. Il y a beaucoup de femmes, mais c’est pas juste un mouvement féminin, parce qu’il y a aussi des gars qui ont réalisé « ça n’a pas de bon sens ce qu’on est en train de faire, de juste créer de la technologie sans se soucier de l’humain qu’il y a derrière », qui a justement amené ce qu’on voit aujourd’hui, qu’il y ait des débats ou est-ce que t’as un Wall Street, pas le Wall Street Journal, le New York Times, New York Times qui poursuit un OpenAI en disant « Vous avez pris tout notre contenu, vous avez pas demandé notre avis ».

[00:50:39.650] – François Pelletier

Et ce mouvement-là de dire « OK, faut respecter l’humain qui a servi à créer toute cette donnée-là aujourd’hui, toute la donnée qui est utilisée pour créer les produits et les humains derrière ça, il faut s’en occuper parce que ça n’a pas à être un Far west, la technologie ».

[00:50:59.500] – Tatiana St-Louis

Ouais pis je pense que jusqu’à un certain point, tu sais, cette abstraction que la technologie nous permet d’avoir, puis tu sais, même au niveau des venture capital pis au niveau de la bourse, c’est comme quand on réfléchit à c’est quoi le fondement de ces innovations ou de ces avancements, c’est qu’ils sont de plus en plus loin de là où ils viennent, de la planète, des ressources, des humains qui les ont créés et de tout ça. Puis plus ça devient une abstraction de jouer dans le metaverse pis de savoir combien un lot d’immobilier va valoir sur le metaverse, qui est comme probablement l’abstraction ultime, ben là on se déconnecte de c’est quoi être, justement, tu sais comme d’exister sur la planète comme dans un corps humain etc etc. Et j’ai l’impression que c’est ça. Il y a comme cette espèce d’essayer de revenir vers la préservation des ressources et puis de la réalité versus cette espèce de push vers une abstraction encore plus grande qui va juste se matérialiser comme plus d’argent.

[00:52:16.520] – François Pelletier

Moi je le vois un peu comme… Quand j’étais aux études est arrivé la crise de 2008, la crise financière sur ce qui s’appelait les subprimes, les subprimes, c’était justement, on prend des hypothèques, des centaines de milliers de personnes, des millions de personnes qui ont acheté des maisons, qui ont des hypothèques, pis là, on va créer des produits ou ce qu’on va prendre, mettons, 1/100000 de 100 000 hypothèques, puis on va créer des nouveaux produits financiers avec ça, puis on va vendre ça en disant « On a réduit énormément le risque parce que, au lieu d’avoir une hypothèque qui peut faire faillite, on a, comment dire, pas mis tous les œufs dans le même panier, on a créé des nouveaux produits ». En oubliant que lorsque l’économie tombe en récession, la première affaire que les gens ne sont plus capables de payer, c’est leur maison.

[00:53:06.540] – Tatiana St-Louis

Oui.

[00:53:07.560] – François Pelletier

C’est quelque chose qui est extrêmement corrélé, les risques en quelque part sont tous corrélés ensemble. Et puis, quand tu crées des abstractions comme ça en finance, là, à partir de ces produits-là s’est créé ce qu’on appelle des produits dérivés, des options et il y a tout un écosystème de finance qui, essentiellement, c’est des gens qui se partagent du risque sur des choses qui pourraient arriver avec leurs placements. Mais là, tu es loin de… Un placement, c’est quoi ? C’est une action. Une action, c’est quoi ? C’est de l’argent que tu as envoyé à une entreprise qui est un bunch d’humains qui se sont dit « on va vendre de quoi ensemble ».

[00:53:45.210] – Tatiana St-Louis

Oui, c’est exact.

[00:53:46.470] – François Pelletier

Tu oublies que tu as des humains, des employés, des patrons qui créent une structure qui est une entreprise et après ça, eux demandent à la population « On a une entreprise,  on aimerait ça vendre, mais on veut construire une nouvelle usine, on a besoin d’argent, donc on s’en va à une place qui s’appelle la Bourse et là on dit au monde « on veut faire notre usine, y a-t’il du monde qui va nous passer de l’argent? ». Fait que là, « moi, je vais vous prendre 10 000 ». Fait que là « ok, bah regarde, voici 10 000, mais en échange je te donne une action, puis quand qu’on fera de l’argent avec l’usine, on va te redonner un peu d’argent ». C’était ça au départ, mais là on a oublié ça en se disant « une entreprise maintenant, c’est un truc à trois lettres ». Pis là, les gens, ils traitent ça avec des ordinateurs pis de l’intelligence artificielle à une vitesse de 100ᵉ.

[00:54:35.420] – Tatiana St-Louis

Ça finit comme de l’argent dans ton compte en banque, pis voilà, genre l’objectif de jouer entre guillemets à la bourse. Mais je trouve que justement, c’est ton entreprise à toi, c’est…

[00:54:46.490] – François Pelletier

C’est une abstraction, c’est ça. Pis c’est la même chose, un peu comme tu disais avec le metaverse parce que t’oublies qu’en arrière c’est des ordinateurs, pis ultimement un ordinateur, c’est une boîte de métal qui est branchée dans une prise de courant.

[00:54:56.570] – Tatiana St-Louis

Ben oui, avec des processeurs pis tout qu’on a payé, tu sais, qu’on a investi notre argent, qu’on a extrait dans des mines au Congo, tu sais exactement. Pis c’est ça que je trouve intéressant dans ta mission, dans le fond, avec ton entreprise. J’ai l’impression aussi que ça fait partie de ton rôle de rendre ces abstractions-là concrètes pour n’importe qui. Tu sais comme pour des entrepreneurs, mais aussi pour des personnes qui veulent s’intéresser à ces choses-là. Est-ce que tu vois ton travail un peu comme ça aussi ?

[00:55:34.280] – François Pelletier

Ouais mon travail, je le vois beaucoup en disant « t’es capable de t’approprier cette technologie-là, ça ne va pas être quelque chose de distant ». On n’a pas abordé le sujet du cloud, mais le cloud, c’est juste le langage qui est utilisé en disant quelque chose, c’est quelque chose, c’est distant, c’est dans le ciel et c’est opaque. C’est ça, quelque part, un nuage. Tu branches un ordinateur à cette entité externe là. Et ça règle tous tes soucis d’informatique. À quelque part parce que quelqu’un d’autre s’en occupe. Mais à quelque part tu perds l’agentivité de contrôler qu’est-ce que tu fais avec la machine que tu as entre les mains. Et tu perds aussi le fait que tu as acheté une machine à 3 000 $ juste pour te brancher à une autre machine à quelqu’un d’autre.

[00:56:25.750] – François Pelletier

C’est plus facile de voir le potentiel de ce que t’as entre les mains. On a des machines extrêmement puissantes. C’est des millions de fois plus puissant que celle qui est allée sur la Lune qu’on a parlé tantôt. Mais on est en train de se désapproprier tout le potentiel de l’informatique qu’on a entre nos mains en la déléguant entièrement à des entreprises qui s’installent dans le cloud et qui viennent essentiellement de la culture qu’on a parlé tantôt, de la Silicon Valley, des start-up, ce qu’on appelle le Software As A Service tout ce que tu payes tant par mois pour accéder au logiciel de quelqu’un d’autre sur son ordinateur. Et moi je veux amener les gens à se dire « t’es capable de le faire pis t’as pas nécessairement besoin de tout déléguer ça. T’as déjà une machine extrêmement puissante entre les mains, à laquelle tu peux déléguer un paquet de trucs, mais il faut que tu apprennes à le faire ». C’est se réapproprié comment on peut faire de l’informatique de proximité à quelque part j’appellerais.

[00:57:20.690] – Tatiana St-Louis

J’aime ça. Informatique de proximité.

[00:57:23.330] – François Pelletier

Et en le faisant comme ça, ben t’es conscient de 1. Des efforts que ça prend pour le faire, tu contrôles tes données, ce qui est super important aujourd’hui, on a des lois maintenant qui nous demandent de protéger les données de nos clients par exemple. Donc tu les gardes plus proches de toi, tu gardes ce contrôle-là, tu comprends comment ça fonctionne. Tu crées aussi un esprit de communauté, où est-ce que tu peux t’entraider localement. Puis moi, c’est beaucoup ma vision avec ce que je suis en train de développer dans mon entreprise, de dire on apporte des gens qui ont des problèmes différents mais qui vont utiliser un coffre à outils communs et qui vont apprendre à aussi s’entraider, à se partager les morceaux, qui est fondamentalement la même chose que l’open source ou le logiciel libre, qui est quelque chose que je milite énormément et que j’ai pas parlé aujourd’hui, mais c’est quelque chose que je milite depuis des années de dire arrêtons de faire le travail en double au niveau du code, parce que justement, comme on l’a dit le code, c’est devenu cool, le matériel on l’a pris comme acquis et peut-être que le code à quelque part, on pourrait peut-être lui le prendre comme acquis et revenir à c’est quoi les problèmes qu’on a comme société à régler, puis essayer de régler ces problèmes-là, puis après ça, aller piger dans le coffre à outils qu’on s’est bâti au fil des années pour aller chercher les morceaux qu’on a besoin dedans lorsqu’on en a besoin.

[00:58:31.520] – François Pelletier

Et non pas essayer de prendre notre bout de code qu’on a créé, qui est la perspective start-up « ah j’ai un bout de code, je vais essayer de trouver des problèmes à régler avec ».

[00:58:56.810] – Tatiana St-Louis

On en revient à ce qu’on disait au début, ouais.

[00:58:59.360] – François Pelletier

Je renverse la chose en disant « Peut-être que ton problème que t’as, a pas besoin des technologies avancées pour le régler. Peut-être que le problème n’est pas technologique tout court. Peut-être que la technologie peut juste aider à trouver, peut-être les bonnes personnes ou la bonne façon de régler le problème ». C’est là que je trouve intéressant, ce qui est à la mode, le génératif. Les gens l’utilisent pour croire que ça peut remplacer quelqu’un, mais non, ça fait juste brasser la soupe à idées.

[00:59:36.440] – Tatiana St-Louis

Créer du chaos duquel tu peux trouver quelque chose de…

[00:59:40.370] – François Pelletier

Exact. C’est ça. Les gens qui utilisent de la meilleure façon ces technologies-là, c’est des gens qui l’utilisent juste pour y envoyer un paquet d’idées pis dire « as-tu d’autres idées dans ton cerveau électronique qui relient ces mots-là ensemble, par exemple ». Ou des synonymes pour trouver d’autres façons d’exprimer une idée. Ça, je trouve ça intéressant. Quand tu remplaces et que tu donnes une confiance absolue à quelque part à la technologie, mais tu oublies que la technologie a été bâtie avec tous les biais qu’on a parlé depuis tantôt.

[01:00:19.280] – Tatiana St-Louis

Ouais. C’est vraiment vraiment fascinant François.

[01:00:21.110] – Tatiana St-Louis

Et j’ai l’impression qu’on pourrait en parler pendant des heures et des heures. C’est vraiment là, on rentre vraiment dans ce qui t’intéresse.

[01:00:31.790] – François Pelletier

On s’approche beaucoup de… Puis on converge beaucoup vers mon trip en ce moment.

[01:00:39.150] – Tatiana St-Louis

Ben oui, exactement. Et justement, genre où est-ce qu’on peut suivre toutes ces réflexions ? Pis où est-ce que tu amènerais les gens pour découvrir un peu plus ton travail ? Pis comment ils peuvent… Parce qu’encore une fois, c’est toujours le but de dire que non, c’est pas pour quelqu’un d’autre, moi je peux aussi comme comprendre, je peux aussi l’appliquer, pis ça peut m’ouvrir des portes que j’imaginais pas. Donc c’est quoi tes meilleures façons de te suivre pis de communiquer avec toi ?

[01:01:07.390] – François Pelletier

Mon principal média que j’utilise en ce moment, c’est LinkedIn. Je ne suis pas quelqu’un qui utilise LinkedIn de façon traditionnelle pour publier et me sauver après, quelque part. Je débats beaucoup sur LinkedIn, donc c’est une place pour embarquer dans des conversations avec moi, c’est LinkedIn. Sinon, j’ai aussi une petite présence sur Instagram qui est plus pour le fun je dirais. Mais j’y suis aussi et je sais qu’il y a peut-être beaucoup plus de gens qui écoutent le podcast vont peut-être être plus présents sur Instagram, je sais que tu as quand même une bonne présence aussi sur ce réseau-là. Sinon, j’ai mon site web, jevalide.ca. Donc c’est mon site web. J’ai un blogue, c’est là que j’ai mes formations, mes offres de consultation aussi, tout est à cet endroit-là. Et je suis en train de développer aussi quelque chose de nouveau que je souhaite apparaître bientôt et qui va peut-être être apparu quand cet épisode-là va être publié, qui est du streaming.

[01:02:11.260] – François Pelletier

Je veux montrer aux gens comment je travaille.

[01:02:14.530] – François Pelletier

Quand je suis dans mon code, quand je suis dans mes chose, comment je développe des produits, des logiciels, comment je configure mes serveurs parce que mon entreprise est presque entièrement auto hébergée. Donc j’ai mes serveurs, j’ai mes propres logiciels, je fais mes mises à jour, je m’occupe de presque tout moi-même. Pis je veux montrer aux gens que c’est possible de le faire. Fait que cette vitrine-là sur le streaming va apparaître bientôt. C’est pas encore public, au moment où on enregistre, ça va être sur mon site web, sur mes réseaux, ça va apparaître à ces endroits.

[01:02:50.320] – Tatiana St-Louis

Pis, mon endroit où je préfère te suivre, reste l’infolettre. Parce que j’aime lire ton infolettre.

[01:02:55.870] – François Pelletier

Ah oui mon infolettre !

[01:02:58.270] – Tatiana St-Louis

Tu l’as pas nommée pis j’étais comme « Vas-tu la nommer ? »

[01:03:00.430] – François Pelletier

Je l’ai même pas nommée, mais oui, mon infolettre. Je publie… Là, j’ai pris une petite pause dernièrement pour le temps des fêtes, début de l’année, mais je publie habituellement chaque vendredi. Puis c’est là que je vais quand même assez deep dans mes réflexions sur qu’est-ce qui se passe dans l’univers de la technologie, comment on ramène des valeurs humaines justement dans l’écosystème technologique. Pis là, j’expérimente avec des idées aussi à ce moment-là.

[01:03:27.130] – Tatiana St-Louis

Ouais, non, j’adore ton infolettre.

[01:03:28.300] – François Pelletier

Je sais pas pourquoi j’ai oublié de la mentionner. C’est peut-être justement parce que justement ça fait longtemps que j’en n’ai pas écrit, parce que c’est la période de l’année où je suis moins actif là-dessus. Mais oui, ça va revenir activement. Pis sinon, j’ai aussi mon podcast qui est plus sporadique dans le sens que dès que j’ai des occasions de rencontrer des gens, j’enregistre un épisode et je publie. Mais il n’y a pas de régularité nécessairement ? Mon podcast qui s’appelle airescommunes.ca. Ça c’est mon podcast.

[01:04:05.710] – Tatiana St-Louis

C’est plein de places où approfondir nos différents intérêts pour la tech, mais aussi une tech qui est plus humaine et qui est plus consciente des enjeux planétaires et pas juste focusée dans l’abstraction des chiffres et des datas de croissance, données de croissance.

[01:04:28.720] – François Pelletier

Je ramène les nuages sur terre.

[01:04:31.720] – Tatiana St-Louis

Oui, exactement.

[01:04:34.660] – Tatiana St-Louis

François, c’était vraiment une conversation passionnante et encore une fois, je sais que quand on avait déterminé du sujet d’aujourd’hui il y avait plein d’autres sujets qui étaient super intéressants, donc on aura probablement la chance de continuer la conversation sur une autre thématique. Merci encore d’être venu. Puis on va mettre tous les liens que tu as mentionnés dans les notes de l’épisode pour que les gens puissent te trouver facilement.

[01:04:59.770] – François Pelletier

Super.

[01:05:01.270] – Tatiana St-Louis

Merci !

[01:05:02.560] – François Pelletier

Merci pour l’invitation.

[01:05:04.090] – Tatiana St-Louis

Hey, t’es encore là ? Ça veut dire que l’épisode t’a plu, c’est vraiment cool ça ! Est-ce que je peux te demander quelque chose maintenant ? Aide d’autres femmes comme toi à découvrir le podcast en déposant des étoiles d’appréciation pour l’Ambition au Féminin. Sur Apple Podcast, c’est facile : défile tout en bas de la page de l’émission où tu vois les avis et tapes sur le cinq étoiles pour faire exploser mon cœur de joie. Sur Spotify, c’est encore plus simple : navigue sur la page du balado et tape l’icône en étoile en bas de la description. Merci d’avance. Je t’apprécie beaucoup.

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à propos de l’auteureTatiana St-Louis

Adepte de littérature russe et collectionneuse de lunettes de designer, Tatiana a fondé Aime Ta Marque pour donner des outils aux femmes de carrière et entrepreneures pour mieux raconter leur histoire personnelle. Spécialiste des communications basée à Montréal, elle s'implique au sein de plusieurs communautés visant au développement professionnel des femmes.
Ep. 154 Pourquoi la Silicon Valley n’aime pas les femmes avec François Pelletier

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